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La corruption sous ses différentes facettes : l’exemple du Liban

Dans un pays comme le Liban, ravagé actuellement par une crise économique et financière majeure, inégalée depuis la fin de la guerre de 1975-1990, la corruption sévit non seulement au niveau de l’Etat mais aussi à tous les niveaux de la société et se décline en de nombreuses facettes.

La forme la plus courante dont est appréhendée la corruption concerne les pots-de-vin véhiculés entre un corrupteur et un corrompu. Le corrupteur est celui qui soudoie le corrompu à partir de biens pécuniaires (argent, commissions, …), des biens matériels (équipements, machines, etc.) ou des dons sous toutes formes et ce, afin d’obtenir un service en contrepartie. Le corrompu se plie alors à toutes les demandes du corrupteur en déployant maints efforts pour satisfaire tous ses besoins. Une telle pratique est courante, voire institutionnalisée au Liban et concerne tous les échelons de la hiérarchie. Dans ce pays, l’usager est par exemple amené à verser, auprès de l’administration publique, des sommes d’argent considérables pour obtenir des documents administratifs indispensables pour être en conformité avec la loi – loi rarement respectée par les corrupteurs et les corrompus.

Que ce soit dans le secteur public ou privé, la corruption est donc le plus souvent liée à l’argent et conduit au non-respect des lois ou des règlementations en vigueur, car les personnes détentrices de pouvoir dérogent à toutes les règles en imposant les leurs.

Cependant, la thématique de la corruption ne se résume pas uniquement à la notion de pots-de-vin. Elle revêt une panoplie de comportements proéminents dont notamment : le clientélisme, le népotisme, l’abus de confiance, la fraude, la falsification, le blanchiment d’argent, le harcèlement moral, le harcèlement sexuel, la kleptocratie, l’abus du pouvoir, le favoritisme, etc. Nous développerons quelques notions significatives dans les grandes organisations publiques et privées.

Le clientélisme est défini comme un échange réciproque de services entre les individus de statuts sociaux inégaux, le « patron » et ses « clients » (Briquet, 1997). Il consiste, pour celui qui détient une autorité, à accorder toutes sortes d’avantages à certaines personnes favorisées (mais non méritantes forcément), les fidéliser et en faire ses obligés. A titre d’exemple, au Liban où le clientélisme est monnaie courante, il recouvre des services rendus à des individus ou entreprises sur la seule base d’affinités politiques, personnelles ou sociales au mépris des règles en vigueur ou des compétences.

La kleptocratie se réfère à une situation où un fonctionnaire ou une personne haut placée a comme but principal l’enrichissement personnel et possède le pouvoir d’atteindre cet objectif (Andreski, 1968).

Parmi les déclinaisons de la corruption, nous retrouvons également l’abus de confiance qui se manifeste notamment lorsque la confiance est dévoyée. Selon Fukuyama (1994), la confiance entre acteurs économiques est un facteur essentiel pour le développement des grandes entreprises. Elle diminue le coût de contrôle et le risque. Ainsi, pour un modèle relationnel à deux dimensions dans l’entreprise, confiance et coopération sont les principaux piliers. Par suite, quand l’un de ces piliers est absent ou s’étiole, le modèle relationnel à deux dimensions est annihilé. Il est remplacé par un modèle unidirectionnel quasi inefficace.

Face à ces diverses facettes de corruption qui gangrènent les entreprises ou institutions, la lutte contre la corruption devrait se renforcer, à travers, entre autres, les universités via un processus continu d’apprentissage (Bisoux, 2021). Il est donc indispensable, voire vital, d’inculquer aux futurs managers, les fondements de l’éthique afin qu’ils comprennent que l’éthique n’est pas théorique mais pratique. Leur devoir de dirigeants consistera à appliquer l’éthique sur une base quotidienne dans leurs entreprises ou institutions et à devenir ainsi des vecteurs de changement dans leur région et dans leur pays.

Carole Douery Verne

Références

Andreski S. (1968), « Kleptocracy or Corruption as a System of Government », In Stanislav Andreski, The African Predicament : A Study in the Pathology of Modernisation, New York : Atherton.

Bisoux T. (2021), « The Continuous Work of Teaching Business Ethics», AACSB Insights, February.

Briquet J.L.(1997), La tradition en mouvement, clientélisme et politique en Corse, éditions Belin, 1997, p. 7.

Fukuyama F. (1994), Trust : The Social Virtues and the Creation of Prosperity, Free Press, New York, 1994.