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Eléments de synthèse des fusions-acquisitions en 2023 : perspectives pour l’année 2024

Le nombre de fusions-acquisitions était en croissance depuis plus de dix ans malgré le taux d’échec élevé de ces opérations. L’année 2023 marque un tournant, avec une baisse évaluée à 28% en volume sur l’année. Ce résultat est lié à différents facteurs : « l’inflation, les risques géopolitiques, la hausse des taux d’intérêt et du coût de la dette ont généré un climat volatil, plus compliqué pour conduire des acquisitions », témoigne Maja Torun, responsable de la banque d’investissement en France de JP Morgan. Néanmoins, les acteurs du marché restent confiants pour 2024 avec l’IA générative, au cœur de toutes les attentions qui pourrait permettre d’envisager de nouvelles transactions en accélérant les transformations de business models.

En 2022, avec de nombreuses entreprises fragilisées par la crise, le nombre d’acquisitions avait fortement progressé. Certains acteurs ont développé depuis une capacité de « serial acquirer », avec une volonté de privilégier dans leur mode de croissance les absorptions ou fusion de « préservation » (avec une forte autonomie organisationnelle maintenue). Le nombre de fusion a également été en hausse en 2022, portée par une nécessité d’innovation conjointe ou de projet mutuel dans certaines industries.

Peu d’annonces dans la presse définissent clairement si l’opération portera sur une fusion (où les entreprises ont une relation d’« égal à égal ») ou sur une acquisition (lorsqu’une entreprise contrôle l’opération et décide du processus d’intégration). Les opérations sont communément appelées fusions- acquisitions. Néanmoins, les fusions restent rares, on constate que la plupart du temps des opérations conçues et intégrées avec des firmes sur un pied d’égalité aboutissent au contrôle de l’une des entités sur l’autre[1]. Par exemple, la fusion entre Chrysler et Daimler-Benz[2] a été annoncée comme une fusion entre égaux mais peut finalement être analysée comme une acquisition de Chrysler par Daimler-Benz. La fusion a généré de nombreux conflits et les synergies attendues ne se sont pas concrétisées. En 2007, il a été décidé de mettre fin à la structure commune et de désintégrer Chrysler. En effet, seul Daimer-Benz était en charge de l’opération (système de gouvernance, suppressions d’emplois, suppressions de sites, représentation au conseil de surveillance, etc.). Le PDG de Daimler-Chrysler sera accusé par l’actionnaire individuel de référence de Chrysler lors de la « fusion », d’avoir trompé les investisseurs en qualifiant le mariage de fusion entre égaux alors qu’il n’aurait été qu’un rachat pur et simple. Daimler aurait caché la véritable nature de la fusion entre les deux groupes automobiles pour éviter de payer un prix plus élevé pour les actions Chrysler.

Le nombre de deals déboutés lors de la crise Covid (ceci en raison de l’évolution des stratégies des entreprises, de la modification de leur business model, de la distanciation des équipes et/ou dirigeants alors en négociation, des fonds de la BPI ou d’autres organismes qui ont permis d’envisager d’autres mouvements stratégiques) ont fragilisé la planification de fusion ou acquisition pour les petites et moyennes entreprises[3]. Rappelons que le taux d’échec est situé entre 40 et 60% des opérations. Au cours de la période de négociation, des décisions critiques sont prises quant à l’opportunité de conclure un accord ou non. Cependant, les études restent encore limitées concernant le processus de négociation, notamment dans le cas de d’opération avortée (taux de 21 à 27% des opérations annoncées, ce taux passe à un ratio de 1/100 pour les projets de fusion-acquisitions non formalisés). Cette période de due diligence est critique et les parties ont des réserves à communiquer des informations dites sensibles, pourtant nécessaires au bon fonctionnement ensuite de l’intégration post-fusion. Malgré ces résultats, un employé sur trois sera concerné dans sa carrière par une fusions-acquisition ; tous les secteurs d’activités sont concernés. L’année 2024 devrait connaître une augmentation du nombre des opérations en Europe. Selon un article publié dans le Courrier Financier, « trois décideurs sur quatre (73 %) anticipent une évolution en ce sens au cours des 12 prochains mois. Ils n’étaient qu’un sur deux (53 %) à le penser l’année dernière. »

Olivier Meier et Anne sophie Thelisson

Références :

Meier O., Schier G. (2023), Fusions acquisitions, 7 ème edition, Dunod.

Meier O. (2023), “Réussir un audit d’acquisition pour les operations de croissance externe”, Journal de l’économie, Avril.

Thelisson, A. S. (2023). Are we talking about merger or acquisition? Defining the integration process. Journal of Business Strategy44(5), 301-307.

Thélisson, A. S., & Meier, O. (2022). Évolution du business modèle d’une PME: quelques enseignements tirés d’un cas. Recherches en Sciences de Gestion, (2), 31-60.

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Notes:

[1] Thelisson, A. S. (2023). Are we talking about merger or acquisition?  Journal of Business Strategy44(5), 301-307.

[2] Meier O. (2019), « étude de cas Daimler Chrysler », Management interculturel, 7ème édition.

[3] Thélisson, A. S., & Meier, O. (2022), Évolution du business modèle d’une PME. Recherches en Sciences de Gestion, (2), 31-60.