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Les universités et l’« économie de la connaissance »

La complexité organisationnelle des universités

Les universités sont des organisations complexes avec un fonctionnement particulier. Les universités sont caractérisées par « de faibles interdépendances fonctionnelles » en d’autres termes, les enseignants et/ou enseignants chercheurs sont peu dépendants les uns des autres. On qualifie les universités de ‘loosely coupled systems’ (Weick, 1976) qui indique que les acteurs dans l’université ont des activités différentes qui sont peu liées. Nous apportons tout de même une relativité à ces propos. En effet, les acteurs dans l’université sont regroupés dans des composantes, des départements, des laboratoires et d’autres sous-organisations au sein de l’université, ce qui implique une participation plus ou moins importante des acteurs dans un ou plusieurs collectifs. Par ailleurs, les mêmes acteurs peuvent faire partie de plusieurs sous-organisations, ce qui vient complexifier la coordination.

Vers une financiarisation des universités

L’un des grands points de bascule qui va modeler l’enseignement supérieur en France et notamment les universités est la sortie du classement de Shanghai en 2003 qui a été comme un coup de tonnerre pour les universités françaises. Le classement de Shanghai a mis au jour la compétition internationale dans l’enseignement supérieur. En dépit des critiques méthodologiques faites sur ce classement quantitatif, ce dernier a été comme révélateur pour la France qui a amené à légiférer sur le sujet avec la fameuse loi LRU[1] du 10 août 2007.  Ainsi, la LRU va donner plus de « liberté aux universités » avec la gestion de la masse salariale par les établissements, le passage des établissements au RCE[2] (prévu dans la loi LRU). Puis, cette loi est prolongée par les applications de la LOFL[3] et la mise en place de la GBCP[4]. Les universités ont alors des fonctions supplémentaires et voient leurs budgets multipliés par 3 ou 4 mais cela a pour conséquence le déficit budgétaire de certaines universités (Serve and Le Glass, 2017).

Adéquation entre gouvernance universitaire et réalité financière

L’État continue de financer une partie des coûts des universités. Néanmoins, nous voyons monter depuis quelques années des incitations au développement de ressources propres sous plusieurs formes : apprentissage, bourses cifre, formation continue… Les universités se placent dans un paradigme d’économie de la connaissance et de nouveau management public (Mignot-Gérard, Normand and Ravinet, 2019).

Les aspects financiers sont devenus des éléments incontournables dans la gouvernance des universités. La bonne santé financière des universités permet d’avoir des bases saines pour le développement de stratégies d’ampleur. Ainsi, quels sont les leviers pour l’obtention des ressources propres ? L’objectif n’étant pas de reproduire à l’identique ce qui se fait dans le privé car cela n’aurait peu de sens mais dans le cadre de la diminution des dotations, plusieurs auteurs s’accordent pour dire qu’il faut développer de nouvelles sources de financement (Germinet, 2015; Calviac, 2019; Lamarque, 2019).

Les moyens de développer les ressources propres et les limites

Nous allons nous attarder sur la partie formation. Cette dernière va apporter des ressources principalement sur l’apprentissage et la formation continue. Certains dispositifs sont simples à mettre en place à l’instar de l’apprentissage qui n’impacte que peu les enseignements dispensés dans les formations. Par ailleurs, le gouvernement incite les entreprises à recruter des apprentis notamment avec la création d’une l’aide de l’État de 8000€ passée à 6000€ jusqu’à la fin du quinquennat. Cela n’est pas le cas de la formation continue qui implique des modifications voire des créations de contenus plus importantes de la part des enseignants et enseignants chercheurs. C’est également l’inclusion d’autres acteurs comme les gestionnaires de formation continue pour la partie financement des parcours mais aussi l’inclusion des besoins des entreprises. Les universités doivent alors composer avec les besoins des organisations extérieures tout en assurant la conservation des libertés académiques. Cela fait partie des objectifs multiples des enseignants et enseignants chercheurs s’intégrant dans un temps restreint. Aussi, l’une des principales limites est de savoir comment concilier temporellement l’enseignement, la recherche et le développement de ressources propres. C’est une question qui reste ouverte encore aujourd’hui et qui enraye, en partie, le processus de diversification des ressources propres des universités.

Corentin Mariette

Références

[1] Liberté et responsabilité des universités,https://www.legifrance.gouv.fr/eli/loi/2007/8/10/ESRX0757893L/jo/texte

[2] Responsabilités et compétences élargies

[3] Loi Organique relative aux lois de finances

[4] Gestion Budgétaire et comptable publique

Calviac, S. (2019) ‘Le financement des universités : évolutions et enjeux’, Revue française d’administration publique, 169(1), pp. 51–68.

Germinet, F. (2015) ‘Le développement de la formation continue dans les universités’, p. 81.

Lamarque, É. (2019) Quelle gouvernance pour les établissements universitaires français ? EMS Editions.

Mignot-Gérard, S., Normand, R. and Ravinet, P. (2019) ‘Les (re)configurations de l’université française’, Revue française d’administration publique, 169(1), pp. 5–20.

Serve, S. and Le Glass, L.F. (2017) ‘Les universités françaises depuis le passage à l’autonomie : vers de nouveaux outils d’analyse financière ?’, Revue d’économie financière, 126(2), pp. 265–296.

Weick, K.E. (1976) ‘Educational Organizations as Loosely Coupled Systems’, Administrative Science Quarterly, 21(1), pp. 1–19.