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Les bonnes pratiques du management à distance

Compte-rendu du Webinaire « regards public/privé » du 24 novembre 2020. Par Michel Barabel, Sabrina Hedroug et Mélanie Gaultier.

Dans le cadre du mois de l’innovation publique, la DGAFP a organisé un webinaire consacré  aux bonnes pratiques du management à distance. L’objectif était de proposer des témoignages très concrets et inspirants pour accompagner les managers dans le contexte actuel en croisant les regards d’acteurs des secteurs public et privé.

Ce webinaire a réuni quatre intervenants : Anne Amson (Cheffe du service du développement professionnel et des conditions de travail au MTES), Didier Gueudin (Secrétaire général à la DRAAF des Pays-de-la-Loire, Marie Lambert (People Director d’AKQA – Agence spécialisée dans la création digitale) et Benoit Serre (Vice-président délégué de l’Association nationale des directeurs des ressources humaines).

L’échange, animé par Michel barabel (Directeur de l’Executive master RH et coordinateur de l’ouvrage « Les RH à l’ère du Covid 19 » aux éditions Dunod) était organisé en 3 temps forts :

  • Qu’est-ce que la situation actuelle change dans les pratiques managériales ?
  • Quelles sont les bonnes pratiques du management à distance ?
  • Quel est l’après des pratiques managériales ?

L’impact de la crise sur le travail des managers

La pandémie a conduit les organisations à s’adapter extrêmement rapidement :  généralisation du télétravail, acquisition de matériels informatiques, sécurisation des environnements de travail, … Elle a créé une situation inédite pour les agents/collaborateurs (dans la suite de cet article, nous utiliserons ces deux termes indifféremment) avec des niveaux d’incertitude (sur le plan sanitaire et économique) et parfois de stress importants. Face à ce contexte, les managers se sont retrouvés en première ligne alors qu’ils n’avaient plus leurs équipes en proximité. Ils se sont fortement mobilisés pour gérer d’une part l’activité courante et d’autre part rassurer et accompagner les agents pour traverser du mieux possible la crise. Ils ont été à la recherche du juste équilibre entre se montrer présent auprès de leurs équipes sans se montrer intrusif et éviter la mise en place d’un système d’hyper-contrôle de l’activité des agents. 

Ainsi, tous les intervenants, se rejoignent sur le fait que la principale difficulté a été moins d’ordre technologique (appropriation des outils digitaux) que comportementale (conserver le lien malgré la distance). Par ailleurs, ils mettent en avant une palette très large de compétences nécessaires au manager pour faire face au contexte :

  • la capacité à individualiser son mode de management pour prendre en compte la réalité et les besoins de chaque collaborateur,
  • la capacité à déléguer et à faire confiance pour laisser les collaborateurs exprimer tout leur potentiel,
  • la capacité à s’adapter au jour le jour (trouver la bonne distance, la bonne fréquence d’interaction) et faire preuve d’agilité,
  • la capacité à communiquer (expliciter les objectifs, les plannings, les priorités…) ,
  • la capacité à utiliser les outils digitaux et à acculturer les membres de son équipe,
  • la capacité à créer des dynamiques collectives (rendre le travail plus solidaire) dans un contexte de travail à distance.

De même, l’importance de qualités humaines telles que l’empathie et la bienveillance se sont avérées indispensables pour traverser la crise.

A contrario, l’erreur de certains managers a été de tenter de reproduire une organisation identique à celle du présentiel plutôt que de chercher à construire une nouvelle organisation du travail adaptée à la situation.

Au sortir de cette période, force est de constater que la ligne managériale a été fortement sollicitée pendant cette période (forte augmentation de la charge mentale, surinvestissement). Elle est aujourd’hui au bord de l’épuisement professionnel. Il est donc essentiel d’être particulièrement vigilant sur cette situation et d’engager le développement de dispositifs d’accompagnement et de soutien appropriés.

Les bonnes pratiques

La nécessité de conserver le lien collectif a été prégnante pendant le confinement. Pour conserver une dynamique collective au sein de leurs équipes, les managers ont inventé des rituels d’équipes afin de rythmer la vie des collaborateurs et de créer un cadre sécurisant face au caractère incertain de l’environnement. Ces rituels sont clés pour permettre aux agents de  reconstruire une routine organisationnelle afin de les aider à organiser leur activité.

Par ailleurs, lors d’une crise, le partage d’informations doit être fortement renforcé. Il  faut, en effet, donner de la visibilité aux acteurs afin de casser leur isolement et leur montrer qu’ils sont parties prenantes de l’organisation. Les managers doivent être le plus transparent possible sur la situation de la structure, les projets, la pandémie, … A ce titre, il est important que les « dirigeants » (Ministres, PDG, Directeurs généraux, Secrétaires généraux …) prennent également la parole et donnent leur vision de manière régulière sur la situation et ses évolutions.

Le partage d’informations peut se faire au travers de réunions régulières collectives en visioconférence, de cafés virtuels, de partage de tableaux de bord, de  diffusion de chartes (télétravail…) ou d’outils collaboratifs. Il est important que ces temps d’échange comportent un temps d’inclusion afin de libérer la parole sur le ressenti des individus : Comment allez-vous ? Où êtes-vous ? Quelle est votre humeur du jour ? …

Mais les managers doivent trouver un équilibre entre temps collectif et temps individuel. En effet, il est aussi important de mettre en place des points individuels pour appréhender la situation de chaque collaborateur : dans quels contextes travaillent-ils ? Ont-ils le moral ? Arrivent-ils à s’organiser ? Rencontrent-ils des problèmes ?

Il faut également proposer des dispositifs d’appui aux collaborateurs (mise en place de « Paris prévention » chez BCG pour solutionner des problèmes concrets tels que la garde d’enfant, « starter » à la DRAAF avec des créneaux de partage autour du développement personnel ; groupes de pairs au Ministère de la transition écologique pour solutionner des problématiques rencontrées par les managers, salon de lectures consolidant différentes informations utiles pour les agents au MTES) et les épauler grâce à des programmes de formation individualisés (modules tels que «le droit à la déconnexion », « animer une réunion en mode digital », « gérer les conflits » chez AKQA).

L’optimisation des temps de réunions (limitées au matin et réduites en durée : 25 à 55 mn chez AKQA) est aussi un moyen de permettre aux collaborateurs de traverser plus sereinement la période.

Enfin, tous les intervenants se rejoignent sur le fait que le manager ne peut pas tout faire seul et a besoin d’accompagnement et d’élément de cadrage au regard de son rôle et de sa responsabilité sur ces sujets. Un dialogue renforcé avec la hiérarchie et les partenaires sociaux est nécessaire. Ils estiment également que la productivité ne baisse pas pendant le télétravail, bien au contraire. Les mots « transparence » et « confiance » ont été les fils rouges de l’échange. Il y a une prise de conscience de l’importance de la confiance pour les intervenants.

L’après pour les pratiques managériales

Aujourd’hui, on peut penser qu’il n’y aura pas de retour en arrière. Le travail en mode hybride deviendra la norme. La crise a, en effet, démontré que le télétravail n’était ni « idyllique ni la catastrophe que certains imaginaient ». Pour les intervenants, le « tout télétravail » n’est pas la solution et n’est pas à privilégier. Ce nouveau contexte implique de capitaliser sur ce qui a pu émerger pendant la crise. Mais il nécessite également des transformations fortes : nécessité d’homogénéiser les pratiques managériales, accélération de la digitalisation, évolution du droit du travail, accompagnement des managers, besoin accru de valoriser le travail des agents, prise de décisions moins verticales.

Conclusion

Globalement, il est à noter une forte convergence entre les intervenants du public et du privé sur leur expérience du management en temps de crise et sur les enseignements qu’ils ont pu tirer de cette période. Les principales problématiques (accompagnement des managers, maintien du collectif, importance de la communication,…) et les solutions (management par la confiance, dispositifs d’appui, temps d’inclusion, …) ont été les mêmes.

Pour aller plus loin :
https://www.modernisation.gouv.fr/home/guide-teletravail-et-presentiel
https://numerique.gouv.fr/outils-agents/osmose/
https://www.dunod.com/entreprise-economie/rh-ere-du-covid-19-bonnes-pratiques-retenir