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Bon versus mauvais recycleurs : Quelle est l’influence des facteurs socio-psychologiques dans l’adoption du comportement de recyclage ?

Comprendre les facteurs déterminants de la gestion des déchets ménagers est essentiel pour réussir la transition écologique, notamment dans la mise en place d’une économie circulaire. Cette transition repose sur la réduction de la consommation de ressources naturelles et la minimisation des déchets via leur réutilisation, recyclage et valorisation. Identifier les facteurs qui influencent les comportements des ménages en matière de gestion des déchets permet de concevoir des politiques et initiatives adaptées, incitant à des pratiques plus durables. La littérature académique a largement débattu, tant sur le plan théorique qu’empirique, de la gestion des déchets ménagers, en se concentrant particulièrement sur l’impact des politiques sur la quantité de déchets produits (Barles et al, 2014). Alors que les politiques d’infrastructure sont sous la responsabilité des décideurs publics, la réutilisation, le recyclage et le compostage dépendent avant tout des motivations des ménages. Ainsi, les facteurs individuels comme les préférences environnementales, les normes sociales deviennent des éléments clés dans la réduction des déchets et le recyclage. De plus, de nouvelles études mettent en lumière l’importance de facteurs psychologiques tels que les perceptions individuelles quant à l’efficacité des politiques environnementales. Rajapaksa et al. (2018) montrent que l’impact d’une politique dépend en partie de la manière dont elle est perçue par les citoyens. Ces derniers peuvent avoir une perception différente de celle des décideurs ou experts quant aux effets attendus d’une politique. Si les citoyens jugent qu’une mesure est inefficace, il est probable qu’elle le devienne. Par exemple, dans le domaine des transports, plusieurs études montrent que les politiques de tarification sont souvent perçues comme inefficaces par les individus, sans effet sur leur usage des transports (Steg et al., 2006).

Afin d’explorer ces dimensions individuelles, nous avons réalisé une enquête par questionnaire auprès de 1 071 individus dans deux régions françaises : Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) et Grand Est (GE) (Kirakozian et al 2024). Ces deux régions, soumis à la même réglementation nationale, ont des niveaux de recyclage très différents. En effet, la région GE figure parmi celles avec le taux de recyclage le plus élevé en France, tandis que la région PACA se situe avant-dernière. Par exemple, la collecte des déchets résiduels en GE atteint 211 kg/habitant/an, légèrement inférieure à la moyenne nationale de 249 kg, mais nettement en dessous des 371 kg/habitant/an en PACA. Pour le verre et les emballages, des tendances similaires sont observées : GE collecte en moyenne 36 kg/habitant/an de verre et 57 kg d’emballages, tandis que PACA ne collecte que 24 kg de verre et 39 kg d’emballages, contre respectivement 32 kg et 50 kg au niveau national. Ces chiffres montrent que la région PACA produit non seulement plus de déchets résiduels, mais les recycle également moins, comme en témoigne un taux de valorisation de 65 % contre 73 % dans la région GE.

Nos travaux montrent que, bien que les facteurs déterminants du comportement de recyclage soient globalement similaires, plusieurs différences se manifestent entre les deux régions. Tout d’abord, nous avons observé que les croyances et normes environnementales jouent un rôle plus important dans la région PACA, tandis que la prise de conscience des conséquences et l’attribution de la responsabilité individuelle ont un impact significatif dans la région Grand Est. Ces conclusions sont valables quel que soit le type de matériaux (plastique, verre, métal, etc.) dans les deux régions. Il apparaît ainsi que le désir d’agir de manière responsable constitue un puissant facteur de l’engagement dans le recyclage, dépassant parfois les simples croyances environnementales. Pour encourager davantage le comportement de recyclage, des instruments de politique publique, tels que des campagnes d’information mettant en lumière les bénéfices environnementaux économiques et sociales du recyclage, sont essentiels. Par ailleurs, d’autres politiques devraient viser à renforcer la responsabilité sociale et à insister sur le devoir social de recycler. Deuxièmement, un autre résultat notable est l’importance de l’efficacité perçue des politiques. Nos résultats montrent que la perception négative d’une politique réduit le comportement de recyclage, tandis qu’une perception positive le stimule. Cela suggère que plus un individu a confiance en l’efficacité d’une politique, plus celle-ci sera acceptée et plus les gens seront prêts à adapter leur comportement. Toutefois, il semble qu’une perception positive de la gestion des déchets ait un impact plus prononcé sur les individus de la région Grand Est, comparativement à ceux de la région PACA. Aussi nos résultats traduisent l’importance pour les politiques de veiller à une mise en place optimale des infrastructures de recyclage, afin de réduire la perception des coûts associés.

Nabila Arfaoui

Références

Barles S. [2014], History of waste management and the social and cultural representations

of waste, in: Agnoletti M., Neri Serneri S. (eds), The basic environmental history, Springer

Verlag, 199-226

Kirakozian A. Arfaoui N., Ibanez L, Roussel S. [2024], The Impact of Environmental Beliefs, Personal Values and Policy Perception on Recycling Behavior. A paraître Revue d’Economie Politique

Rajapaksa D., Islam M., Managi S. [2018], Pro-environmental behavior: The role of public perception in infrastructure and the social factors for sustainable development, Sustainability, 10(4), 937.

Steg L., Dreijerink L., Abrahamse W. [2006], Why are energy policies acceptable and effective?, Environment and Behavior, 38(1), 92-111.