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Vers une compréhension plus complète des négociations lors de fusion-acquisition

La fréquence et l’ampleur des fusions et acquisitions (F&A) ont considérablement augmenté au cours des deux dernières décennies, malgré les rapports continus sur leur taux d’échec élevé[1]. Les spécialistes des fusions et acquisitions appellent à la recherche d’informations sur le processus de fusion afin d’aider à comprendre la complexité de ces opérations et de réduire leur taux d’échec[2]. Les spécialistes des fusions et acquisitions préconisent de prêter attention à la configuration des logiques institutionnelles qui façonnent les décisions d’une entreprise afin d’appréhender la complexité du processus de fusion.

Les logiques institutionnelles sont des dynamiques représentées par exemple par l’Etat, le marché, les professions, la famille, la religion qui façonnent des lignes de compréhension, des pratiques, des décisions et des actions au sein des organisations[3]. Les études institutionnelles montrent comment des logiques spécifiques influencent fortement les décisions stratégiques et les priorités des organisations. Cependant, peu d’études ont combiné empiriquement plusieurs niveaux en montrant comment les logiques peuvent influer sur la signature d’une fusion.

À l’aide d’une étude de cas longitudinale, nous analysons comment la configuration des logiques institutionnelles aux niveaux organisationnel et inter-organisationnel soutient les décisions stratégiques des entreprises à mettre fin à l’opération. Le projet de fusion-acquisition en question était en négociation entre deux entreprises basées en région Rhône-Alpes, opérant dans le même secteur. Nous démontrons que malgré l’alignement des logiques au niveau organisationnel, la multiplicité des logiques au niveau inter-organisationnel a conduit à l’échec du deal.

Nos résultats suggèrent que les managers doivent être conscients des processus à long terme préalables à un projet de fusion et de la manière dont les diverses logiques peuvent conduire à des décisions divergentes entre les parties à la fusion, ce qui peut entraîner l’échec du deal. Notre étude met en évidence différentes logiques au cours du processus de projet de fusion et d’acquisition, qui peuvent être considérées comme des indicateurs impliquant les sources possibles de légitimité auxquelles les managers doivent être attentifs. Ces indicateurs pourraient être utiles pour réduire le taux d’échec des fusions, mais aussi des transactions. La littérature sur les fusions et acquisitions met en évidence deux facteurs principaux d’échec : Premièrement, la publication de nouvelles informations après l’accord initial, qui peut laisser les deux parties insatisfaites ; deuxièmement, l’incapacité de l’entreprise acquéreuse à financer la transaction.

Les études portant sur la période précédant la fusion restent rares, car la phase précédant l’opération reste une étape secrète et sensible, en particulier dans le cas des opérations qui ont échoué. Pourtant, selon les spécialistes des fusions et acquisitions, seule une petite partie des opérations évaluées par les acquéreurs sont finalement réalisées, le rapport entre les opérations initiées et les opérations conclues allant de 10 à 1 à plus de 100 à 1. De futures recherches concernant l’alignement entre la formulation de la stratégie et l’exécution de l’opération en phase de négociation pourraient éclairer les raisons d’échec des deals dans d’autres contextes, comme avec les fusions et acquisitions à l’international (cross-borders m&as)[4].

Le paysage économique actuel se caractérise par des défis mondiaux, rapides et complexes auxquels les entreprises doivent faire face, tels que l’adaptation à la dynamique internationale ou la gestion des interactions climat-finance qui pourraient avoir un impact sur les fusions-acquisitions. Dans de tels contextes, les responsables des fusions-acquisitions ont besoin d’un mélange de compétences tangibles et intangibles pour mener à bien ces opérations[5].

Ce résumé s’appuie sur un article académique accepté pour publication dans le journal Strategic Change[6].

Anne-Sophie Thelisson

Références

[1] Eléments de synthèse des fusions-acquisitions en 2023 : perspectives pour l’année 2024 – (observatoire-asap.org)

[2] https://www.lesechos.fr/idees-debats/leadership-management/fusions-acquisitions-zoom-sur-4-facteurs-de-reussite-1244945

[3] https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2014-3-page-29.htm

[4] https://www2.deloitte.com/ch/fr/pages/mergers-and-acquisitions/articles/cross-border-m-and-a-risks-rewards.html

[5] https://www.lejournaldesentreprises.com/article/reussir-une-fusion-acquisition-le-role-cle-du-manager-dinterface-1693065

[6] Thelisson A.S. (forthcoming) “Toward a more complete understanding of institutional logic configuration in an M&A project” Strategic Change