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Intelligence artificielle : une solution pour les entreprises face à l’incertitude économique

L’effet domino entre la pandémie de Covid-19 et le conflit géopolitique en Ukraine a durement touché les marchés internationaux, entraînant une forte hausse de l’inflation et une plongée des attentes économiques. En effet, l’Union Européenne a connu des niveaux d’inflation jamais vus depuis des décennies (9,8 % en moyenne en 2022 et 6,1 % en 2023).

Face à une inflation importante, les entreprises ont dû faire face à de nombreuses difficultés telles que : des problèmes de liquidité, des réductions de marges, une concurrence exacerbée. Cela a sans doute contribué dès 2022 à la plus forte augmentation du nombre de faillites depuis 2015.[1]

Pour faire face à cette période d’incertitude, il est essentiel d’élaborer une stratégie pour limiter les effets de l’inflation sur les entreprises. C’est là que l’intelligence artificielle (IA) peut être d’une grande aide.

Qu’est-ce que l’intelligence artificielle ?

Selon Rouhiainen (2018), l’intelligence artificielle (IA) peut être considérée comme la capacité des ordinateurs à effectuer des activités qui sont du ressort de l’intelligence humaine. Par conséquent, on pourrait dire que l’IA est la capacité des machines à prendre des décisions au moyen d’algorithmes qui utilisent l’apprentissage des données. L’IA est utilisée depuis de nombreuses décennies et repose sur l’automatisation des processus de production et de contrôle.

L’augmentation des puissances de calcul de l’informatique a accéléré l’utilisation de l’IA au sein de bon nombre de disciplines de gestion comme par exemple, et sans être exhaustif, en finance dans le domaine de prédiction de faillite ou en marketing pour déceler les comportements d’achat des consommateurs. Si l’IA touche la gestion, elle impacte aussi la réflexion économique.

L’utilisation de l’IA en économie. Les réalisations et les pistes futures de réflexion

  • L’IA et les chaînes d’approvisionnement

La cause immédiate des pressions inflationnistes actuelles est un déséquilibre important et persistant entre l’offre et la demande. L’offre s’est révélée étonnamment inélastique ; les pénuries sont devenues la norme et les perturbations de la chaîne d’approvisionnement sont récurrentes. L’IA a été mobilisée au sein de la chaîne d’approvisionnement pour éviter les déséquilibres et améliorer considérablement le processus d’approvisionnement. Selon l’étude de Belhadi et al. (2021), l’utilisation de l’intelligence artificielle peut réduire les coûts d’approvisionnement et améliorer l’efficacité grâce à trois facteurs clés. Premièrement, l’IA permet d’optimiser les itinéraires de transport, de trouver les itinéraires les plus efficaces et de réduire les coûts de transport, de minimiser les délais de livraison et d’améliorer la satisfaction des clients. Deuxièmement, l’IA permet d’optimiser la gestion des stocks. Cela permet d’éviter les stocks excédentaires et de réduire les coûts d’entreposage. Troisièmement, l’IA peut surveiller l’état des actifs de la chaîne d’approvisionnement, ce qui permet d’éviter les interruptions imprévues de la chaîne d’approvisionnement et de réduire les coûts liés aux pannes et aux réparations urgentes. En définitive, l’IA est capable de transformer la logistique d’une entreprise en réduisant les coûts et les goulets d’étranglement. L’approvisionnement est plus agile, plus résilient. Cet avantage concurrentiel améliore les marges et la performance de l’entreprise.

Au-delà, l’utilisation de l’IA peut s’exprimer au travers de la discrimination des prix et de la charge de travail.

  • L’IA et la discrimination des prix

La discrimination des prix consiste à facturer à différents consommateurs des prix différents pour des produits identiques ou similaires, en fonction de la compréhension des caractéristiques du client (Woodcock, 2019). Grâce à la puissance de calcul des ordinateurs, l’IA est déjà en mesure de générer des profils précis de consommateurs et de mieux comprendre leurs comportements d’achat. La capacité de l’IA permet et permettra encore sans doute plus à l’avenir à trouver non pas le prix d’un produit mais le prix optimal pour des consommateurs aux caractéristiques fort différentes (Gautier al., 2020). On perçoit tout de suite que cette approche est source de risque. En effet, il est peu acceptable socialement de faire payer le prix maximum au consommateur ! C’est pourquoi, au-delà de l’utilisation de l’IA, les acteurs doivent prendre en compte tous les effets de l’utilisation de l’IA dans la détermination des prix.

  • L’IA et le rapport au travail

L’inflation peut s’exprimer au travers d’une spirale prix-salaire (Blanchard, 1985). Ainsi, des augmentations de prix entraînent des augmentations de salaires, celles-ci entraînant à leur tour des augmentations de prix et ainsi de suite. C’est ce qu’a montré l’entreprise McDonalds.

L’IA peut venir modifier cette relation. L’IA, en tant que telle, n’a pas été créée pour remplacer les personnes, mais pour compléter et améliorer leurs performances au travail. L’utilisation de l’IA dans l’environnement de travail permet de lui déléguer les tâches les plus répétitives et monotones, qu’elle peut effectuer 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Cette situation a deux conséquences. La première est de permettre de soulager les salariés des tâches les plus lourdes et ingrates pour le personnel. La seconde, même si elle moins débattue, aurait pour conséquence de contenir la masse salariale. Si, cela minimise la possibilité d’entrer dans la spirale prix-salaires, cette action pose la question de la place de l’homme dans la création de valeur et plus largement de sa place au sein des organisations. Là encore, la question dépasse le seul aspect économique et pose la question de l’acceptabilité sociale.

Conclusion

Dans les périodes économiques inflationnistes comme celle que nous traversons actuellement, où les entreprises sont confrontées à des coûts plus élevés et à des marges d’exploitation plus faibles. Au travers de la chaine d’approvisionnement, de la politique de prix ou encore de la politique salaire, on constate que l’IA questionne sur sa place dans nos organisations. Cela pose plus largement le problème de l’intérêt social et plus largement de la prise en compte sociale et environnementale des sociétés. Ce débat est très actuel et ne manquera des échanges entre les acteurs.

David Veganzones

Note

[1] Le nombre faillites a baissé en 2019 et est resté historiquement bas jusque dans la première partie de 2002. L’explication tient dans la mise en place du PGE par l’État suite à la crise du COVID-19. Cela a permis d’une part, d’aider certaines entreprises à surmonter les effets de la crise sanitaire, mais aussi, d’autre part, de maintenir en vie des entreprises non viables.

Références

Belhadi, A., Mani, V., Kamble, S. S., Khan, S. A. R., & Verma, S. (2021). Artificial intelligence-driven innovation for enhancing supply chain resilience and performance under the effect of supply chain dynamism: an empirical investigation. Annals of Operations Research, 1-26.

Blanchard, O. J. (1986). The wage price spiral. The Quarterly Journal of Economics, 101(3), 543-565.

Gautier, A., Ittoo, A., & Van Cleynenbreugel, P. (2020). AI algorithms, price discrimination and collusion: a technological, economic and legal perspective. European Journal of Law and Economics, 50(3), 405-435.

Rouhiainen, L. (2018). Inteligencia artificial. Madrid: Alienta Editorial.

Woodcock, R. A. (2019). Personalized pricing as monopolization. Conn. L. Rev., 51, 311.