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Intelligence interculturelle, un baromètre contemporain de la performance entrepreneuriale

La diversité culturelle s’affirme de plus en plus comme un outil indéniable de la collaboration et même de la performance entrepreneuriale. Les valeurs culturelles d’un continent à l’autre s’entrelacent à travers les échanges économiques, religieux, éducatifs, professionnels.  

L’interculturalité comme vecteur de communication intelligente 

La dynamique des transformations sociétales induit inéluctablement l’effritement d’un instinct grégaire opposé, à tout point de vue, à l’acceptation de l’altérité multiculturelle. Ce champ aussi vaste soit-il, requiert l’encadrement par l’intelligence interculturelle, discipline qui tend à se démarquer du fait de la pluralité des réalités qu’elle renferme.  

L’intelligence culturelle aussi connue sous CQ (cultural quotient ou quotient culturel) a été développée grâce aux recherches de Ang Soon, Linn Van Dyne et Christopher Earley au début du nouveau millénaire (2002-2003). Dans « Research in Organizational Behavior », Volume 24, Earley la définit comme « la capacité d’une personne à s’adapter lorsqu’elle interagit avec d’autres personnes de différentes régions culturelles ». 

De ce fait, on peut postuler que l’intelligence culturelle renvoie à l’expertise sur les cultures et l’exercice des compétences interculturelles dans l’intérêt d’une organisation publique ou privée. Partant de cela, développer son intelligence culturelle ou son « muscle culturel » revient à prendre la mesure de la prégnance de la mise en œuvre d’une stratégie de communication adaptée aux réalités des Etats d’implantation des multinationales. Ce souci de mise en œuvre d’une démarche communicative requiert la prise en compte des normes et valeurs culturelles propres au pays d’accueil.  

Le multiculturalisme à l’épreuve des stratégies publicitaires 

Le principe anthropologique de prohibition de l’idée d’hiérarchisation des cultures doit se traduire favoriser le choix d’éléments du langage verbal et corporel susceptibles de prôner une morale, des normes et valeurs collectives.  

Des expériences d’actions de développement entreprises sans une prise en compte préalable des référents culturels des peuples autochtones suscitent le désintérêt de la population au point où, l’ouvrage réalisé qui est censé servir à l’amélioration des conditions de vie des bénéficiaires, n’est pas exploité. Cette réalité sociale sous-tend la maxime selon laquelle « ce qui est fait pour moi sans moi est contre moi ». Cela se traduit par un désintérêt vis-à-vis du produit publicitaire présenté. Bien que ce rejet n’occulte rien à la qualité du produit, l’objectif initialement visé n’est pas atteint. Cette situation pose avec acuité la prise en compte des aspects relatifs à l’intelligence interculturelle dans les projets de développement de produits d’entreprises. 

A ce propos, l’anecdote qui suit montre avec clarté la nécessité d’inclure les référents culturels des peuples dans les dynamiques publicitaires en vue de maximiser la vente de produits commerciaux.  

En effet, contrairement à ce qu’on aurait pu imaginer, des géants de l’industrie comme H&M et BMW ont connu des expériences difficiles.  

En 2016 aux Émirats arabes unis, BMW a diffusé une publicité télévisée. Nonobstant la notoriété dont bénéficiait les véhicules BMW, la publicité n’a pas connu l’adhésion populaire dans la mesure où, la campagne publicitaire mettait en exergue des footballers du club de Al-Ain chantant l’hymne national dans le stade. Lorsque ces footballers ont entendu le bruit des moteurs de BMW, ils ont automatiquement cessé de chanter pour converger tous vers les véhicules à l’extérieur du stade. Cette publicité a suscité des réactions des autorités émiraties qui y ont vu un manque de respect et ont exigé le retrait de la publicité télévisuelle. De plus, le vice-président du Conseil exécutif d’Abou Dhabi et premier adjoint du club Al Ain, Sheikh Hazza bin Zayed, a démis de ses fonctions le conseil d’administration de la société Al Ain Club Investment Company. 

Conclusion  

De ce qui précède, on constate sans ambages les conséquences de cette action sur la société notamment en termes de pertes de fonds, d’emplois et de débauche d’énergie sans atteindre les objectifs escomptés. Cette situation aurait pu être évitée si l’équipe marketing (et ses dirigeants) avaient, au préalable, pris soin d’adapter le texte de la publicité aux sensibilités et particularités culturelles émiraties. Pour BMW, ces évènements illustrent une décision inopportune et ne tenant pas compte des implications de l’identité nationale dans un autre pays. Une telle situation implique des réflexions tendant à minimiser les erreurs coûteuses engendrées par les campagnes interculturelles se présente comme une nécessité afin d’éviter des biais aux conséquences multiformes sur la survie des entreprises multinationales.   

 

N’golo Inza SORHO

 

Références  

 

IVANUSHKINA Elena. (2018). Pourquoi l’intelligence culturelle est une compétence essentielle à développer en entreprise. Coach d’affaires professionnelle chez Océan Coaching, 15 janvier. 

LAHIRE Bernard. (2011). L’homme pluriel, Armand Colin, (ISBN978-2-2003-4245-6) 

TRIBALAT Michèle. (2013). Assimilation La fin du modèle français, Éditions du Toucan, (ISBN978-2-8100-0553-6) 

MELVILLE J. Herskovits. (1950). Les bases de l’anthropologie culturelle. Paris : François Maspero Éditeur, 1967, 331 pages. Collection : Petite collection Maspero, no 106. 

KOLESOV Andrey. (2019). Qu’est-ce que l’intelligence culturelle ? Accultura, 12 septembre. 

SHAN Bo, « La communication interculturelle : ses fondements, les obstacles à son développement », Communication et organisation [En ligne], 24 | 2004, mis en ligne le 27 mars 2012, consulté le 21 juillet 2022. 

http://journals.openedition.org/communicationorganisation/2928