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Le droit à l’erreur : une question d’environnement ?

Le précédent article pour l’observatoire ASAP montrait que la notion d’incertitude pour décrire le monde du travail n’était pas si simple. Les grands groupes notamment conjuguent les 2 environnements d’incertitude et de risque avec une prédominance du second en raison de l’influence des marchés financiers. Qu’en est-il de l’univers si particulier des startups ? En considérant l’idée assez communément partagée que 9 startups sur 10 ne vont pas survivre, on pourrait alors estimer que leur environnement serait particulièrement à risque. Et pourtant, une culture du contrôle n’est pas ce qui les caractérise. Plus que de risque, on devrait parler de capital-risque les concernant. Bpifrance en donne la définition suivante : « le capital-risque consiste à financer de jeunes entreprises innovantes sous forme de participation au capital ».

Il s’agit donc d’un environnement entrepreneurial qui se distingue de celui plus spéculatif des marchés financiers. C’est un monde de maker plus que de taker. L’intérêt de l’investisseur est la réussite de l’entrepreneur qu’il soutient. C’est un retour aux sources de l’entrepreneuriat où il faut « entreprendre avant de prendre », ce que trop de grands groupes semblent perdre au nom de la productivité de court terme. C’est également un monde d’apprentissage où l’innovation produit est espérée au rendez-vous. Trouver son produit et ses clients permettra à la startup de quitter cet environnement de capital-risque pour rejoindre celui de l’incertitude des entreprises plus classiques. Dans un environnement d’apprentissage, l’erreur fait partie intégrante du processus. Elle n’a pas à être autorisée. Dans un environnement à risque elle sera difficilement tolérée. En incertitude, elle pourra être considérée et dans tous les cas devra être corrigée.

S’inspirer de bonnes pratiques d’une entreprise qui touchent l’Humain sans tenir compte de l’environnement dans lequel elles s’expriment, c’est prendre le risque de se retrouver confronté à des blocages liés à la nature de celui-ci. Par exemple, installer un management par la confiance dans l’environnement des grands groupes où le risque prédomine l’incertitude, pose des difficultés de fond à lever qui précèdent le jeu entre les acteurs. Le risque entraîne le contrôle qui peut dépasser la confiance. Evoquer un mauvais management dans une entreprise n’est pas relever une cause mais la conséquence d’un environnement qui le génère ou encore le laisse s’exprimer. L’environnement conditionne le management de l’Humain. Ce principe est essentiel dans un monde du travail qui depuis une décennie questionne avec raison ce dernier.

La recherche historiquement ne prend pas vraiment en compte la notion d’environnement comme un invariant possible sur des sujets traitant de l’Humain. Elle le ramène régulièrement à un contexte considéré comme particulier voire exceptionnel. Ceci pourrait provenir du fait que l’environnement des grands groupes transformé par la financiarisation, ou encore l’explosion du monde des startups et leurs spécificités ne sont apparus que récemment. D’un monde du travail majoritairement incertain au siècle précédent, nous sommes passés depuis les années 2000 à des environnements diversifiés, significatifs et structurant. Par ailleurs, si les grands groupes ne représentent que 20% du salariat, ils concentrent l’essentiel de l’attention du consulting et sont historiquement des sources d’études majeures pour la recherche. Transposer au XXIème siècle des principes sur l’Humain d’un environnement donné vers un autre sans prendre compte leur nature potentiellement différente, expose donc à de fortes limites. Cela a été une des erreurs significatives des dernières modes managériales qui se sont inspirées de PME et ont tenté de laisser penser à une extension possible de leurs concepts vers des grands groupes. Quand il s’agit de décider, d’apporter des solutions aux problèmes, il vaut mieux agir en Complexité.

Loic Le Morlec