L’hydrogène est de plus en plus souvent au cœur des projets de développement durable. La crise sanitaire a révélé en 2020 la nécessité d’accélérer la transition écologique et cette filière s’est retrouvée du coup au centre des discussions. A moyen terme, les applications les plus intéressantes concernent les véhicules utilitaires (bus et camion) pour lesquels le poids des batteries est une contrainte majeure, les trains quand les lignes ne sont pas électrifiées et, sans doute plus tard, les avions.
Tout l’enjeu est précisément de passer à une production d’hydrogène vert par électrolyse de l’eau grâce à une électricité d’origine renouvelable. Plus qu’une énergie, l’hydrogène est davantage un vecteur, un moyen de transporter de l’énergie, une passerelle entre une source primaire d’énergie et des usages finaux. L’hydrogène vert pourrait décarboner demain des procédés industriels où les substituts à l’énergie fossile sont difficiles à développer. Le plus important concerne la production primaire d’acier où le charbon est à la fois utilisé comme source d’énergie et agent réducteur du minerai. L’hydrogène pourrait s’y substituer et fournir de l’acier zéro carbone. Tout récemment, le groupe Air Liquide a annoncé son intention d’aider ArcelorMittal à produire de l’acier vert en développant des solutions innovantes d’hydrogène à faible émission de carbone et des technologies de capture du carbone.
Accélération des investissements face au défi industriel et sociétal.
Face à ces développements entamés depuis des années, nous sommes passés d’un plan hydrogène à 100 millions d’euros lancé par Nicolas Hulot, à un plan de 7 milliards d’euros en septembre 2020.
L’Allemagne, le Portugal, l’Espagne, l’Italie, l’Autriche et les Pays-Bas mettent également des milliards sur la table pour développer la filière. Désormais, notre pays compte sur l’ingénierie de ses entreprises pour accélérer la stabilisation de la filière d’ici 2030. Mais attention, l’enjeu principal est de produire suffisamment d’hydrogène vert et de le proposer à des conditions acceptables. La massification de l’usage de l’hydrogène vert aura pour effet la baisse de son prix. Les spécialistes annoncent qu’à 2 euros le kg, il sera équivalent à celui du pétrole et du gaz naturel.
La France et ses régions ont compris l’enjeu de ce défi industriel et sociétal. Deux priorités se dégagent dans la stratégie française. La première priorité est la croissance d’une filière d’électrolyse française. La France vise 6,5 GW d’électrolyseurs d’ici 2030. L’hydrogène décarboné est une priorité d’investissement majeure et devrait aider la France à atteindre son objectif industriel d’économiser 53 millions de tonnes de CO2 par an d’ici 2030, contre 80 millions actuellement. La deuxième priorité est de soutenir la recherche et l’innovation pour rester à l’avant-garde au niveau international. La France dispose déjà de programmes et d’installations de recherche de classe mondiale. Il s’agit désormais de développer également les compétences, en enseignant les tenants et les aboutissants de l’hydrogène gazeux et ses usages, et en créant d’immenses campus réunissant universités, écoles d’ingénieurs et formation professionnelle.
Les régions, au cœur des écosystèmes naissants.
La filière est une belle opportunité pour le pays et ses régions. Et surtout l’occasion de mettre en place des écosystèmes réunissant grands groupes industriels, start-up innovantes, centres de recherche et collectivités territoriales. L’approche écosystème est un préalable à la structuration de la filière Hydrogène. Un écosystème mobilise les acteurs locaux autour d’un projet de développement économique territorial, fondé sur une gouvernance inclusive et une vision partagée des bénéfices attendus : par exemple, l’amélioration de la qualité de l’air, le développement industriel, l’amélioration de l’offre de mobilité.
De nombreuse régions françaises ont compris tout l’enjeu de cette filière et de ses emplois potentiels. La région Auvergne-Rhône-Alpes accueille la ‘Zero Emission Valley’. Elle abrite de grandes entreprises et coentreprises qui ont pris le dossier Hydrogène en main, comme Michelin avec le fabricant de piles à combustible Symbio. La région Bourgogne-Franche-Comté est devenue la première région de France à officialiser une commande de trains à hydrogène. Ces rames doivent effectuer leurs premiers essais en 2023. Dans la région Centre-Val de Loire, Bouygues et FM Logistic ont signé un partenariat exclusif visant à développer un écosystème territorial d’hydrogène renouvelable autour de la Métropole d’Orléans. L’objectif de cette collaboration est de contribuer à la décarbonation de la filière logistique en France.
Des ambitions internationales et une dynamique à l’export source d’emplois.
Cette filière hydrogène peut faire changer l’image et la perception de l’industrie en France, ou du moins lui donner une nouvelle jeunesse tant les perspectives de développement restent nombreuses en France et à l’international. La France accélère pour être un acteur majeur de la chaîne de valeur mondiale de cette filière. Elle peut compter sur des géants établis comme Air Liquide, mais aussi sur d’autres groupes et quelques PME et ETI prometteuses. Ainsi, la société française Lhyfe est la première entreprise en Europe à développer des systèmes de production d’hydrogène vert, qui est généré par des éoliennes. Le centre de recherche et développement de la société est à la pointe de la production d’hydrogène offshore. Le spécialiste de l’électrolyse McPhy ouvre une «giga-usine» capable de produire des électrolyseurs à très grande échelle. Dans la partie automobile, l’équipementier Faurecia a pour ambition de devenir le leader mondial des réservoirs pour véhicules à pile à combustible. Le groupe dispose d’un savoir-faire reconnu dans la fabrication de réservoirs d’hydrogène à haute pression fabriqués en composite de fibre de carbone. Faurecia a en seulement 3 ans, remporté un contrat majeur avec le constructeur sud-coréen Hyundai, afin d’équiper une flotte de 1600 poids lourds en Suisse. Il vient également d’acquérir la majorité des parts de CLD, l’un des principaux fabricants chinois de réservoirs d’hydrogène à haute pression.
En conclusion, l’hydrogène est indispensable pour la mobilité lourde, l’industrie lourde, le stockage d’énergie et constitue un véritable maillon de la transition énergétique. Mais il faut toutefois veiller à ce qu’il soit bien produit à partir d’électricité renouvelable. La notion d’écosystème est également fondamentale car il y a des enjeux importants d’infrastructure, de production, de stockage, de transport et de distribution qui vont impacter de nombreux secteurs. Enfin, au regard de la compétition internationale, un marché intégré de l’hydrogène en Europe et l’existence de champions européens seraient des atouts considérables. Des synergies européennes commencent à émerger, en particulier au sein de l’alliance franco-allemande. La société française Air Liquide et l’allemand Siemens Energy ont récemment signé un protocole de production d’électrolyseurs à l’échelle industrielle.
Références :
Michel Delpon (Mars 2021) – Hydrogène renouvelable, l’énergie verte du monde d’après– Editeur Nombre 7
Gilles Guerassimoff – Lise Adegnon (2020) – L’hydrogène, un vecteur pour la transition énergétique– Editeur Presses Des Mines
France Hydrogène (ex-AFHYPAC) – 2020, l’année du passage à l’échelle pour la filière hydrogène française –
IFP Energies nouvelles (organisme public de recherche, d’innovation et de formation dans les domaines de l’énergie, du transport et de l’environnement)