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Le Pôle Territorial de Coopération Economique (PTCE) : un moteur local du renouveau de l’action publique et sociétale

Le dispositif de Pôle Territorial de Coopération Économique (PTCE), existe depuis la loi du 31 juillet 2014. Il rassemble les collectivités territoriales, les organisations de l’économie sociale et solidaire (ESS), les entreprises, les centres de formation et de recherche et les citoyens d’un même territoire dans le but de créer des emplois non délocalisables et faciliter le développement local durable. Ce dispositif vise à faire coopérer les organisations parties prenantes par la co-création d’activités socio-économiques et la mutualisation de ressources et compétences afin de répondre aux besoins collectivement identifiés localement. Depuis 7 ans, plus de 150 PTCE se sont développés en France, dans des territoires urbains et ruraux, proposant des activités dans un ou plusieurs secteurs d’activités, notamment : la transition écologique, la mobilité, l’alimentation, l’économie circulaire, les éco-activités, les services à la personne, la jeunesse, l’artisanat ou encore la culture.

Un dispositif d’actualité favorisant la coopération par et pour le territoire

Ce dispositif, pensé comme un pôle de compétitivité « territorial et social » permet à l’ensemble des organisations parties prenantes d’un territoire de se fédérer autour des besoins sociaux, solidaires et environnementaux identifiés. A l’inverse des pôles de compétitivité, le PTCE intègre (potentiellement), tous les acteurs du territoire (en y incluant notamment les organisations de l’Economie Sociale et Solidaire, les citoyens ou encore les centres de formation) et vise à les faire coopérer pour répondre aux besoins du territoire sur lequel ils se trouvent. Les membres peuvent également librement utilisés le terme « PTCE » pour identifier leur projet collectif, sans avoir besoin de label, autorisation ou financement spécifique.

Impulsés par des appels à projets nationaux et locaux entre 2014 et 2019, promus par les institutions et réseaux de l’économie sociale et solidaire comme le nouveau moyen de favoriser le développement local durable, le PTCE connaît aujourd’hui un nouvel essor dans le cadre de la relance des PTCE, grâce à la mise en place de nouveaux dispositifs financiers attendus au printemps 2021.

Dès lors, se pose la question suivante : Pourquoi avoir recours au PTCE ?

Une organisation collective souple, agile et engageante : la méta-organisation multi-parties prenantes

Le PTCE est bien plus qu’un dispositif car il s’incarne dans la création d’une organisation collective entre les membres (association collégiale, société commerciale ou encore société coopérative d’intérêt collectif), qui a pour fonction de faciliter la co-gestion des activités développées et les relations sociales, économiques et politiques entre les membres et avec le reste des organisations du territoire.

En ce sens, il se rapproche d’une méta-organisation (c’est à dire une organisation composée d’autres organisations) multi-parties prenantes (Ahrne & Brunsson, 2008, Berkowitz & Dumez, 2015, Berkowitz & al., 2020, Saniossian, 2020). Le PTCE, renouvelle les formes de coopération, notamment par la structuration juridique d’une organisation commune entre les membres de nature différente, sans fusion, basée sur l’égalité et la libre-adhésion, et visant au développement d’activités socio-économiques. En ce sens, le PTCE est pensé comme un espace de régulation et d’organisation de l’action collective des parties prenantes multiples du territoire. Les membres décident alors de partager des ressources, missions et activités au sein de la méta-organisation multi-parties prenantes, afin de faciliter la création et la mise en place d’activités socio-économiques innovantes.

Le renouvellement de l’action publique et sociétale au sein des territoires

Le PTCE, par la matérialisation d’expérimentations collaboratives, permet alors de décloisonner l’action publique et l’entrepreneuriat social afin d’agir autrement au niveau du territoire. On observe, par exemple, des discussions et coopérations entre les collectivités locales en charge du développement économique et de l’action sociale, les associations, les citoyens et les entreprises dans le but de redéfinir les besoins prioritaires sur le territoire et de passer à l’action collectivement.

En ce sens, il ouvre un nouvel espace propice à repenser les problèmes et les formes d’action collective permettant d’y répondre. Le PTCE fait alors figure d’agencement intermédiaire (Polanyi, 1983) qui met en mouvement les parties prenantes, les incitent à imaginer, expérimenter et diffuser des solutions qu’ils construisent et opèrent conjointement. Les relations et actions communes partagées au sein du PTCE permettent par exemple de redéfinir les besoins du territoire en termes de mobilité, et de créer un nouveau service, tel qu’un garage solidaire ou une plateforme de mobilité. Le PTCE favorise alors la discussion et l’action collective par la mise à disposition de ressources variées (financements, personnel, matériel, etc.).

Ainsi, le PTCE permet :

  • La production de réponses complexes et innovantes aux problèmes identifiés sur les territoires, et
  • Le renouvellement de l’action collective, par la mise en place de modalités particulières de participation, coopération et créativité des organisations membres.

Jennifer Saniossian, Christel Beaucourt et Xavier Lecocq

Références

Ahrne, G., Brunsson, N. (2008). Meta-organizations. Edgar. Cheltenham.

Berkowitz, H., Crowder, L., Brooks, M. (2020). Organizational perspectives on sustainable ocean governance: A multi-stakeholder, meta-organization model of collective action. Marine Policy. 118.

Berkowitz, H. & Dumez, H. (2015). La dynamique des dispositifs d’action collective entre firmes : Le cas des méta-organisations dans le secteur pétrolier. L’Année sociologique, 2(2), 333-356.

Polanyi, K. (1983). La Grande Transformation. Aux origines politiques et économiques de notre temps. Gallimard, Paris.

Saniossian J. (2020). Le processus de création des méta-organisations multi-parties prenantes. Le cas des pôles territoriaux de coopération économique (PTCE). [Thèse en sciences de gestion]. Université de Lille.