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La fusion PSA – Fiat Chrysler, la perte d’un fleuron industriel français ?

Le 16 janvier 2021, le groupe PSA (Peugeot Société Anonyme) et Fiat Chrysler Automobiles (FCA) réunissent leurs activités pour créer la société Stellantis. Cette fusion marque-t-elle la perte d’un fleuron industriel français ? Pour répondre à cette question d’actualité, nous allons présenter les deux groupes avant de nous interroger sur l’ancrage territorial de Stellantis.

PSA et Fiat Chrysler, deux acteurs historiques de l’industrie automobile

Le groupe PSA, qui détient les marques Peugeot, Citroën, DS Automobiles, Opel et Vauxhall, constitue l’un des premiers employeurs en France : près de 50 000 salariés (sur 208 000) travaillent dans l’Hexagone, notamment dans les usines de Sochaux, Mulhouse, Rennes, Poissy et Hordain. Le groupe est dirigé par le Portugais Carlos Tavares. En 2019, l’entreprise vend 3,5 millions de véhicules, avec un chiffre d’affaires de 74,7 milliards d’euros et un résultat net de 3,2 milliards d’euros. Son principal marché est constitué par l’Europe où elle réalise 86,8 % des ventes.

La société Fiat Chrysler Automobiles (FCA) est issue de la fusion, en 2014, du groupe italien Fiat, qui possède les marques Abarth, Alfa Romeo, Fiat, Lancia et Maserati, et du groupe américain Chrysler, qui détient les marques Chrysler, Dodge, Jeep et RAM. L’entreprise emploie 192 000 salariés et possède une centaine de sites de production, dont la plupart sont localisés en Italie et en Amérique. Le groupe est dirigé par l’Anglais Michael Manley et présidé par l’Italo-Américain John Elkann, l’un des héritiers de la famille Agnelli qui a fondé et dirigé le groupe Fiat. En 2019, l’entreprise vend 4,5 millions de véhicules, avec un chiffre d’affaires de 108,2 milliards d’euros et un résultat net de 6,6 milliards d’euros. Elle réalise l’essentiel des ventes en Amérique du Nord (54,7 %), en Europe (25,6 %) et en Amérique latine (12,8 %).

Stellantis, un constructeur mondial marqué par ses origines européennes

La nouvelle société Stellantis devient le quatrième constructeur automobile mondial, avec plus de 8 millions de véhicules vendus.

Les objectifs affichés sont ambitieux : créer un acteur clé de l’industrie automobile pour saisir les opportunités liée à la mobilité durable; offrir une gamme élargie de modèles, de marques et de services ; gagner en taille et renforcer l’équilibre géographique ; s’appuyer sur l’organisation mondiale de la R&D (recherche et développement) ; réaliser des synergies (plus de 5 milliards d’euros par an) ; construire un groupe plus stable et plus résilient.

Le siège social de Stellantis est établi à Amsterdam et la société est cotée sur Euronext Paris, à la Borsa Italiana à Milan et au New York Stock Exchange. Ses principaux actionnaires sont la famille Agnelli (via la holding Exor) (14,4 %), la famille Peugeot (via FFP, la société d’investissement des Etablissements Peugeot Frères) (7,2 %), l’Etat français (via Bpifrance) (6,2 %) et le constructeur chinois Dongfeng Motor (5,6 %), qui a prévu de se désengager. Une clause spécifique autorise la famille Peugeot à racheter les titres détenus par Dongfeng Motor et une partie des titres de Bpifrance afin que les deux holdings familiales Agnelli et Peugeot disposent d’une part de capital équivalente. La nouvelle entreprise est dirigée par Carlos Tavares et présidée par John Elkann.

Le groupe Stellantis affiche l’ambition de devenir un leader de l’industrie automobile mondiale, mais reste fortement marqué par ses origines européennes. Cette influence se manifeste à plusieurs niveaux : (1) la structure du capital, avec la présence des familles Agnelli et Peugeot et de l’Etat français, (2) l’équipe dirigeante, avec Carlos Tavares comme Président Directeur Général et John Elkann, l’un des héritiers de la famille Agnelli, comme Président, (3) le portefeuille de marques, avec cinq marques italiennes (Abarth, Alfa Romeo, Fiat, Lancia et Maserati), trois marques françaises (Peugeot, Citroën et DS Automobiles), une marque allemande (Opel) et une marque britannique (Vauxhall), (4) l’importance des sites de production en France et en Italie et (5) le poids du marché européen, avec plus de 4 millions de véhicules vendus en 2019.

Les effets de la crise économique et sanitaire sur l’ancrage territorial de Stellantis

L’analyse proposée dans cet article montre que la société Stellantis reste très ancrée sur le territoire français, avec les marques emblématiques Peugeot, Citroën et DS Automobiles, plusieurs usines de production localisées en France, la présence de la famille Peugeot et de l’Etat français comme actionnaires et Carlos Tavares, l’ancien Président du groupe PSA, comme Président Directeur Général. Toutefois, la crise économique et sanitaire liée à la pandémie du Covid-19, qui engendre une chute des ventes automobiles à l’échelle mondiale, pourrait contraindre le groupe Stellantis à remettre en cause certains engagements. Des fermetures d’usines et des licenciements pourraient toucher l’Hexagone et réduire l’ancrage territorial de l’un des fleurons de l’industrie automobile française.

Ulrike Mayrhofer

Références
Chalençon, L. (2017), Les stratégies de localisation et la création de valeur des fusions-acquisitions internationales, Londres, ISTE Editions.
Mayrhofer, U. (éd.) (2011), Le management des firmes multinationales, Paris, Vuibert.
Mayrhofer, U. (2017), Management interculturel. Comprendre et gérer la diversité culturelle, Paris, Vuibert.
Meier, O. & Schier, G. (2019), Fusions Acquisitions, 6ème éd., Paris, Dunod.