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La gouvernance des associations : enjeux et spécificités

Les spécificités institutionnelles des associations conditionnent fortement les modalités et pratiques de gestion des associations. Au-delà des règles spécifiques liées au modèle institutionnel des associations, il est possible d’identifier des mécanismes de gouvernance propres à ce type d’organisations. A l’appui de la loi du 1er juillet 1901, on peut définir une association comme « une convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun d’une façon permanente, leurs connaissances ou leurs activités dans un but autre que le partage des bénéfices ». Les associations sont des organisations de droit privé au même titre que les entreprises classiques. Mais, contrairement à ces dernières, elles ont un but non lucratif, c’est-à-dire que les porteurs du projet associatif ne doivent pas voir leur patrimoine croître du fait de leurs fonctions dans ces structures. Toute distribution d’excédents est donc légalement interdite, les apports en ressources étant en principe réinvestis dans le projet.

Dès 1983, Fama et Jensen soulignent l’importance et la spécificité de la gouvernance des organisations sans but lucratif. En effet, selon ces auteurs, l’absence de détenteurs de capitaux crée un risque d’affaiblissement du conseil d’administration (ou des organes équivalents) et donc un risque de mauvaises performances. La difficulté de la mesure de la performance des organisations sans but lucratif constitue ainsi la pierre angulaire de la question de la gouvernance de ces organisations, face au problème objectif de mesurer la performance d’une production de services non marchands. Mais l’absence de représentants des capitaux présents dans les associations n’est pas la seule différence qui a des effets sur le mode de gouvernance de ces organisations. L’évaluation de l’efficacité de la gouvernance associative demeure, en général, complexe et défaillante du fait de l’absence d’indicateurs spécifiques et synthétiques de mesure de la performance. C’est donc avant tout une logique de la mesure, et des fondements financiers qui font défaut à ce type d’organisation. On peut ici relever la nature complexe et difficilement mesurable de la production de services généralement réalisée par les organisations à but non lucratif, et l’absence d’un indice simple tel que la rentabilité ou la profitabilité. On peut également mettre en avant l’importance de la mission en ce qu’elle permet de guider l’association pour évaluer la qualité des actions conduites.

Une autre difficulté dans la réflexion sur la gouvernance des organisations à but non-lucratif repose sur le nombre et la complexité des rapports entre les différents acteurs qui composent une association. En effet, la gestion des associations passe par une bonne maîtrise des rôles et des responsabilités des acteurs de l’organisation – bénévoles, usagers et professionnels- dans un souci de cohérence, de cohésion et d’efficacité. Dans ce type de structure, l’organisation du pouvoir s’opère à différents niveaux. Le pouvoir politique appartient aux mandants ou aux adhérents qui fixent les orientations et contrôlent l’action de la direction. En France, au sein des associations, le Président et les membres du bureau, élus au sein de l’assemblée générale des adhérents sont les seuls responsables juridiques de l’organisation. La question de la présence des dirigeants représentants de la sphère technico-administrative au sein des conseils d’administration reste cependant posée.

En ce qui concerne le mode de fonctionnement de ces organisations, plusieurs théories peuvent contribuer à une meilleure explication de ces structures. D’ailleurs, certaines d’entre elles, peuvent renvoyer aux courants théoriques classiques de la gouvernance. En effet, la théorie de l’agence peut être mobilisée pour expliquer les relations entre les bailleurs de fonds et les gestionnaires de l’association. De même, la relation d’agence est suffisamment générale pour être applicable aux organisations sans but lucratif. A titre d’illustration, une association peut être analysée comme un nœud de contrats, le contrat d’association lui-même, les contrats formels et informels qui relient les différents acteurs internes à l’association et enfin les contrats informels entre l’association et des tiers (société civile, bénéficiaires…). La question de l’implication de la séparation des fonctions entre les bailleurs, les adhérents et le management de ces organisations demeure d’actualité.

De manière générale, la question est de savoir à qui l’organisation doit rendre des comptes sur son activité et sur la bonne utilisation de ses fonds. Si la gestion des parties prenantes tant internes qu’externes ne constitue pas une spécificité des organisations à but non lucratif, l’importance de cette gestion dans ce cadre doit cependant être soulignée. On peut ici questionner l’hétérogénéité des performances recherchées par les parties prenantes de ces organisations et la nécessité pour ces dernières de répondre aux attentes de l’ensemble de leurs parties prenantes. En outre, l’influence des parties prenantes sur le modèle de gouvernance et sa mise en œuvre sont incontestablement une des particularités des organisations à but non lucratif.

Olivier Meier

Références
Bayle E. (2001) « Les modes de gouvernance des organisations à but non-lucratif : une étude appliquée aux fédérations sportives nationales », Revue des sciences de gestion, septembre N°188-189 dossier « Piloter l’entreprise », p. 54-69.
Fama E. et Jensen M. (1983) « Separation of ownership and control », Journal of Law and Economics, juin, p. 301-326.
Fama E.F. and Jensen M.C. (1985), « Organizational forms and investment decisions », Journal of Financial Economics, vol. 14, pp. 101-119
Glaeser E. (2002), « The governance of not-for-profit firms », Working paper 8921 NBER
Oster S., O’Regan K., Millstein I. (2000), « Governance Practices Among Nonprofit Organisations contracting with New York City », Yales school of Management, Work paper series E public Management