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Le droit d’auteur des agents publics

Les agents publics, fonctionnaires ou contractuels, peuvent être amenés, dans le cadre de leurs fonctions, à créer des œuvres de l’esprit (notes, rapports, conférences, etc.).

Cette qualité d’agent public a-t-elle des conséquences en droit d’auteur ? L’agent public reste-t-il l’auteur et le titulaire des droits ?

Le Code de la propriété intellectuelle répond à la question du droit d’auteur des agents publics. Il décide que l’agent public conserve la qualité d’auteur sur son œuvre.

Toutefois, le code de la propriété intellectuelle pose un régime spécial pour les droits moraux et pour les droits patrimoniaux.

En premier lieu, pour le droit moral, la loi décide d’abord que « le droit de divulgation reconnu à l’agent (…), qui a créé une œuvre de l’esprit dans l’exercice de ses fonctions ou d’après les instructions reçues, s’exerce dans le respect des règles auxquelles il est soumis en sa qualité d’agent et de celles qui régissent l’organisation, le fonctionnement et l’activité de la personne publique qui l’emploie ». Ensuite, l’agent ne peut « s’opposer à la modification de l’œuvre décidée dans l’intérêt du service par l’autorité investie du pouvoir hiérarchique, lorsque cette modification ne porte pas atteinte à son honneur ou à sa réputation ». Enfin, l’agent ne peut « exercer son droit de repentir et de retrait, sauf accord de l’autorité investie du pouvoir hiérarchique ».

Il ressort de ces dispositions que le droit moral des agents publics est amoindri par rapport au droit d’auteur classique.

En second lieu, le droit patrimonial est lui aussi touché. En effet, la loi décide que « dans la mesure strictement nécessaire à l’accomplissement d’une mission de service public, le droit d’exploitation d’une œuvre créée par un agent de l’État dans l’exercice de ses fonctions ou d’après les instructions reçues est, dès la création, cédé de plein droit à l’État ». L’agent reste donc l’auteur, mais les droits sur son œuvre font l’objet d’une cession de plein droit à l’État dans le cadre de la mission de service public.

L’exploitation commerciale de l’œuvre est également concernée : « pour l’exploitation commerciale de l’œuvre mentionnée au premier alinéa, L’État ne dispose envers l’agent auteur que d’un droit de préférence ». L’État peut donc exercer son droit de préférence pour exploiter l’œuvre commercialement. L’agent ne pourra pas recourir à un prestataire privé, il devra proposer en priorité l’exploitation à l’État. Cette disposition « n’est pas applicable dans le cas d’activités de recherche scientifique d’un établissement public à caractère scientifique et technologique ou d’un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel, lorsque ces activités font l’objet d’un contrat avec une personne morale de droit privé ».

Le droit d’auteur des agents publics connaît donc des tempéraments justifiés par l’intérêt général de l’administration. Il est toutefois à noter que ce droit d’auteur spécial ne s’applique pas « aux agents auteurs d’œuvres dont la divulgation n’est soumise, en vertu de leur statut ou des règles qui régissent leurs fonctions, à aucun contrôle préalable de l’autorité hiérarchique ». Sont notamment visés par cette disposition les enseignants-chercheurs qui non seulement restent les auteurs de leurs œuvres (cours, articles, manuels, etc.), mais aussi conservent un droit moral et un droit d’exploitation classiques. Ils peuvent ainsi faire publier les résultats de leur recherche par des éditeurs privés sans être contraints par le droit de préférence de l’État.

Maïté Guillemain