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Promouvoir l’adhésion citoyenne aux politiques environnementales

Analyse à travers les Solutions Fondées sur la Nature

Dans le domaine de la littérature environnementale, il est bien établi depuis un certain temps que la résolution des défis environnementaux par les acteurs du marché libre est limitée sans l’intervention de politiques publiques. Au cours de la dernière décennie, les solutions fondées sur la nature (SFN) ont émergé en tant que réponse prometteuse aux enjeux environnementaux et sociaux associés au changement climatique. Ce concept, préconisé par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), est présenté comme une alternative à l’innovation technologique, visant notamment à faire face aux risques tels que les inondations ou les sécheresses. Cependant, dans les pays démocratiques, la mise en œuvre de ces politiques peut être fortement compromise par le manque crucial de soutien public. Selon Steg (2016) et Drews and Bergh (2015), le soutien du public est un élément déterminant de l’efficacité des politiques environnementales. Ces auteurs soulignent que les décideurs politiques peuvent hésiter à mettre en place des politiques si l’opposition du public est anticipée. Dans le contexte de la mise en place des SFN, Andersson et al. (2017) ont également démontré que la pérennité d’une SFN au fil du temps repose sur les perceptions et le soutien du public.

Afin de comprendre les facteurs incitant les individus à soutenir les politiques environnementales, en particulier les SFN dans la gestion du risque d’inondation, notre étude s’est particulièrement penchée sur le rôle des motivations intrinsèques (Arfaoui et Gnolonfin, 2020). Les motivations intrinsèques englobent l’ensemble des raisons internes, comprenant les facteurs socio-psychologiques qui définissent la dimension normative ou morale des individus, les incitant à agir d’une certaine manière. Afin d’examiner en profondeur l’influence de ces dimensions, nous avons mobilisé la théorie de la norme de croyance de valeur (VBN) (Stern et al., 1999). Cette théorie, de plus en plus utilisée dans la littérature environnementale, est l’une des plus populaires pour étudier l’hypothèse selon laquelle les valeurs ont un impact causal sur les comportements pro-environnementaux. Selon cette théorie, trois types de valeurs -biosphériques, altruistes et égoïstes- activent la norme morale d’adoption d’un comportement respectueux de l’environnement par le biais de croyances environnementales.

Sur la base de ces considérations, notre enquête, menée auprès d’un échantillon représentatif de 405 personnes dans le bassin versant de la Brague, a révélé deux principaux résultats. Tout d’abord, notre étude démontre que les individus ayant des normes et des croyances personnelles fortes liées aux préoccupations altruistes manifestent un soutien plus fort pour les stratégies SFN. L’importance de l’altruisme peut s’expliquer par le contexte particulier des risques d’inondation, où les préoccupations pour le bien-être et la vie d’autrui sont significatives. De plus, nos résultats mettent en évidence que les individus ayant un sens accru des responsabilités montrent une préférence plus grande pour les stratégies SFN. Ceci s’explique par le fait que la gestion du risque d’inondation ne relève pas uniquement de la responsabilité des autorités publiques, mais repose sur une responsabilité sociétale partagée entre les autorités et les citoyens.

En termes de recommandations politiques, nos résultats suggèrent que la planification des NBS devrait intégrer des campagnes environnementales et éducatives pour encourager la responsabilité publique envers la nature et la gestion des risques d’inondation. Ces campagnes pourraient également promouvoir des préoccupations altruistes liées à l’appartenance à un territoire local, activant ainsi les normes personnelles et accroissant le soutien du public à la mise en œuvre des SFN. De plus, il serait pertinent de cibler spécifiquement les groupes d’âge les plus jeunes (15-24 ans) et les plus âgés (+55 ans), dont l’attribution de responsabilités et les préoccupations altruistes sont inférieures à la moyenne de l’échantillon total.

Nabila Arfaoui

Références

Andersson, E., Borgström, S., & McPhearson, T. (2017). Double Insurance in Dealing with Extremes: Ecological and Social Factors for Making Nature-Based Solutions Last. in « Naturebased Solutions to Climate Change Adaptation in Urban Areas, Theory and Practice of Urban Sustainability Transitions », N. Kabisch et al. (eds.), 51-64.

Arfaoui, N., & Gnonlonfin, A. (2020). Supporting NBS restoration measures: a test of VBN theory in the Brague catchment. Economics Bulletin40(2), 1272-1280.

Drews, S., & Bergh, J. C. (2015). What explains public support for climate policies? A review of empirical and experimental studies. Climate Policy, 1-21.

Steg, L. (2016). Values, Norms, and Intrinsic Motivation to Act Proenvironmentally. Annu. Rev. Environ. Resour. 41, 277–292.

Stern, P., Dietz, T., Abel, T., Guagnano, G. A., & Kalof, L. (1999). A Value-Belief-Norm Theory of Support for Social Movements: The Case of Environmentalism. Research in Human Ecology 6, 81-97