Principaux Outils pour l’Atténuation du Changement Climatique
Le changement climatique pose d’importants défis à l’échelle mondiale et a des répercussions sur divers aspects de la société humaine et de l’environnement. Il exacerbe les inégalités économiques entre les pays développés et les pays en développement, affectant de manière disproportionnée les populations vulnérables. En outre, le changement climatique menace le développement économique global : productivité agricole affectée, augmentation de la fréquence des phénomènes météorologiques extrêmes et perturbation des chaînes d’approvisionnement mondiales.
Pour faire face au changement climatique, plusieurs outils sont à notre disposition, tels la promotion des énergies renouvelables, l’amélioration de l’efficacité énergétique, la mise en œuvre de pratiques durables en matière d’utilisation des terres et de déforestation, ainsi que la stimulation de la recherche et de l’innovation dans les technologies respectueuses de l’environnement. En particulier un enjeu crucial est la taxation du carbone selon le mécanisme du pollueur payeur (Pigou, 2017). Ce mécanisme joue un rôle central dans la mise en œuvre de politiques efficaces d’atténuation du changement climatique en fixant un coût sur les émissions de carbone, incitant ainsi à leur réduction et favorisant une transition vers une économie à faible émission de carbone. Le lauréat du prix Nobel Nordhaus en 2018 souligne l’importance de la mise en œuvre d’une taxation des émissions de carbone, qui constitue une étape essentielle dans cette direction.
Une mesure équivalente à la taxe carbone est le marché du carbone, qui vise également à réduire les émissions. Un marché du carbone est un système conçu pour limiter la pollution en attribuant aux entreprises des quotas d’émission de CO2, souvent appelés « permis de polluer », lesquels peuvent être échangés entre elles.
Qu’est-ce qu’un quota de carbone ?
Les quotas de carbone, également appelés « systèmes d’échange de quotas d’émission » ou » allocations de carbone », sont des permis gouvernementaux conçus pour réguler la quantité de dioxyde de carbone (CO2) que les entreprises sont autorisées à émettre dans l’atmosphère. Ces quotas sont des titres activement échangés sur les marchés à terme, offrant une opportunité d’investissement attractive puisque les investisseurs apprécient la liquidité qu’ils procurent. En effet, l’échange des quotas d’émission sur le marché s’effectue entre les entreprises ayant besoin de compenser des émissions excessives en raison de leur activité et celles qui ont réussi à abaisser leurs émissions en deçà du plafond qui leur avait été alloué. Ce système permet ainsi aux entreprises plus performantes en matière de réduction des émissions de céder leurs excédents de quotas à celles qui n’ont pas atteint leurs objectifs environnementaux.
Les quotas de carbone fixent des limites d’émission et permettent le commerce de permis d’émission, encourageant ainsi les industries à innover vers des pratiques durables tout en respectant des exigences réglementaires strictes. Ces systèmes jouent un rôle vital dans le respect des engagements régionaux et internationaux, y compris ceux définis dans l’Accord de Paris 2015. Ils proposent une alternative marchande (Coase, 2013) à la taxation des émissions (principe du pollueur – payeur) et la promotion de pratiques de développement durable à grande échelle. Ces quotas offrent des avantages tels que la diversification du portefeuille, des rendements financiers potentiels, et la capacité de soutenir les entreprises engagées dans des objectifs de réduction des émissions environnementales.
Quels sont les moteurs des prix des quotas de carbone ?
La compréhension de la dynamique des prix des quotas de carbone est devenue cruciale au cours des dernières décennies afin de comprendre l’impact de divers facteurs clés tels que les prix de l’énergie, les décisions institutionnelles, les activités économiques et les conditions météorologiques. Les variables liées à l’énergie et la fréquence des températures extrêmes ont un impact particulièrement important et non linéaire sur les prix du carbone, parallèlement aux fluctuations des prix de l’énergie. Les changements de politique au sein des systèmes d’échange de quotas d’émission, notamment dans l’UE, jouent un rôle central dans l’influence de la volatilité des prix du carbone. Les effets à court terme de l’électricité et des rendements boursiers, associés aux effets à long terme des prix du charbon, du pétrole et du gaz, mettent encore plus en évidence la dynamique complexe des marchés du carbone. En outre, les variables environnementales affectant la stabilité du climat et génératrices d’événements extrêmes contribuent à la volatilité des prix et aux tendances à long terme. Ces facteurs soulignent l’interaction complexe entre ces phénomènes et la nécessité pour les parties prenantes de comprendre la dynamique des prix d’émission afin de permettre une allocation du capital efficace, qui prenne en compte les objectifs de réduction des émissions de Co2, de résilience et de durabilité de l’économie.
L’impact des variables du changement climatique sur les prix des quotas de carbone
Notre récente étude (Goodell et al., 2023) se concentre sur les programmes de plafonnement et d’échange européens et nord-américains, en utilisant un nouvel indice carbone qui capture la performance du segment le plus liquide du marché mondial du carbone. Nous utilisons « Indice des Préoccupations Médiatiques sur le Changement Climatique » qui mesurait la fréquence et le taux de couverture par les médias des risques climatiques construit par Bua et al. (2024). Ces auteurs font la distinction entre les risques physiques, qui impliquent des pertes financières dues à des événements physiques directs, et les risques de transition, qui concernent les coûts associés à la transition vers une économie à faible émission de carbone. Nous explorons la relation dynamique entre les prix des émissions de carbone et cet indice représentatif du changement climatique, et révélons une forte corrélation entre les indicateurs physiques, tels que les températures extrêmes, et l’indice mondial du carbone IHS Markit (CAP). Nous démontrons la dynamique évolutive des risques climatiques au fil du temps. Les indices de transition et de risques physiques présentent tous deux des corrélations positives avec le CAP en 2019, mais la corrélation pour les risques physiques est devenue négative à partir de 2022. Ce changement est attribué à l’Accord de Paris de 2015 et au début de l’invasion russe de l’Ukraine. Nos résultats mettent en évidence la manière dont nous pouvons informer les décideurs politiques sur le calendrier optimal et la nature des interventions sur les quotas de carbone, qui à leur tour ont un impact sur leurs prix. En outre, le lien évident entre les prix du carbone et les indicateurs du changement climatique fournit une base prédictive pour la tarification du carbone sur différents horizons temporels, influençant ainsi les décisions sur les plafonds d’émissions. D’un point de vue financier, notre étude offre des informations précieuses pour les investisseurs afin d’incorporer le risque climatique dans leur analyse des rendements boursiers, compte tenu de l’impact significatif des émissions de carbone sur les rendements boursiers. Globalement, notre approche empirique sert d’outil pour surveiller la dynamique des prix du carbone en réponse aux risques climatiques, offrant des orientations pour des interventions politiques efficaces.
Hela Nammouri et Sami Ben Jabeur
Références
Coase, R.H., 2013. The problem of social cost. The journal of Law and Economics 56, 837–877.
Giovanna Bua, F.R., Daniel Kapp, Rognone, L., 2024. Transition versus physical climate risk pricing in European financial markets: a text-based approach. The European Journal of Finance 0, 1–35. https://doi.org/10.1080/1351847X.2024.2355103
Goodell, J.W., Nammouri, H., Saâdaoui, F., Jabeur, S.B., 2023. Carbon allowances amid climate change concerns: Fresh insights from wavelet multiscale analysis. Finance Research Letters 55, 103871.
Pigou, A., 2017. The economics of welfare. Routledge.