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Les référendums d’autodétermination éviteraient certaines guerres

Dans la guerre entre l’Ukraine et la Russie, le gouvernement français a choisi de soutenir l’Ukraine dans la guerre qui l’oppose à la Russie. Mais on s’interroge rarement sur l’intérêt et la volonté de la majorité de la population du Donbass. Quel est le droit le plus légitime, le droit à l’autodétermination d’une région, telle le Donbass ou le droit à l’intégrité territoriale d’un Etat Nation, telle l’Ukraine ? Voila les questions auxquelles nous allons tenter de répondre. Quel était le souhait de ce peuple vis-à-vis de l’OTAN, de la France, de l’Ukraine ou de la Russie ? Préférait-il un soutien militaire russe « à distance » comme c’était le cas depuis plusieurs années avant le début de la guerre? Une guerre ouverte entre l’Ukraine et la Russie ? Enfin, y a-t-il des protagonistes plus légitimes que les autres ?

Une action militaire consistant à tuer des personnes ou à pénétrer les frontières d’un autre pays, ne s’avère jamais légitime, sauf en cas de légitime défense et de respect du droit international. Par conséquent, la guerre de la Russie contre l’Ukraine n’est pas légitime et s’avère donc hautement condamnable, puisque la Russe, n’a pas obtenu l’accord légal du conseil de sécurité de l’ONU de mener une intervention armée pour défendre un objectif légitime de la défense de la souveraineté du Donbass.

Cependant, le soutien militaire des occidentaux envers l’Ukraine s’avère-t-il plus légitime ? Peut être au début de l’invasion de l’ensemble de l’Est et du Nord de l’Ukraine par l’armée Russe. Mais à présent, l’enjeu de cette guerre porte principalement sur la souveraineté du Donbass ou de son contrôle par l’Ukraine ou la Russie.

Par conséquent, maintenant qui s’avère encore légitime pour intervenir au Donbass ? Cela dépend de la demande de la population du Donbass. Mais pour le savoir encore faudrait-il l’interroger. C’est ce que la Russie a réalisée en septembre 2022 en faisant voter les habitants du Donbass par référendum.  Le résultat fut favorable au rattachement à la Russie, les chiffres variaient de 87 et 99% selon les régions. Cependant, ce référendum  s’est tenue en temps de guerre, sans observateur indépendant. Par conséquent, il est contesté par les occidentaux. Pour bien faire, il aurait donc fallu que l’Ukraine réalise ce référendum avant la guerre par l’Ukraine. A présent, la guerre est en cours, le rapport de force militaire se substitue à la liberté de choix démocratique de la population du Donbass. Chacun des protagonistes des deux camps ne peux donc plus qu’émettre des hypothèses généralement partisanes sur la volonté véritable des habitants du Donbass. Alors tentons de connaître leur désir véritable, afin de savoir qu’elle est l’action militaire serait la plus légitime à présent ?

Concernant l’appartenance du Donbass à l’Ukraine ou à la Russe, la question qui devrait être posée s’avère moins de s’interroger quel est historiquement le propriétaire les plus anciens des terres du Donbass. Mais que souhaite les habitants de ce territoire actuellement et qui est souverain sur son territoire ?

Le droit à l’intégrité territoriale d’un Etat nation s’oppose au droit à l’autodétermination d’un peuple. Il y existe ainsi le droit à la souveraineté nationale, contre celui de la souveraineté locale (communale, régionale). On pourrait même ajouter le droit à la souveraineté de l’individu, qui devrait avoir le choix de partir de sa nation, sans dépendre de l’autorisation de l’Etat, via un visa. Donc, le droit à la liberté individuelle (ou libre souveraineté individuelle) devrait hiérarchiquement dominer la libre souveraineté territoriale, puis la libre souveraineté nationale. Le droit à la liberté individuelle et collective devrait être supérieur au droit à la stabilité, à l’ordre collectif. Car pour vivre ensemble, le préalable c’est d’en ressentir le besoin. Sinon, la mainmise d’un Etat sur ces individus ou ses régions relève de la coercition, de la puissance de l’ordre contre la liberté démocratique.

Nous allons voir que ces valeurs de liberté et d’ordre trouvent leurs applications dans le droit, mais qu’il existe à la fois un conflit de valeurs et un conflit juridique. Faute d’accord sur l’éthique démocratique, qui devrait pourtant se résoudre par le simple bon sens, ces désaccords se résolvent généralement par la force.

Le traité de Westphalie de 1648, affirme notamment la supériorité du pouvoir territorial temporel sur le pouvoir spirituel, afin de mettre un terme aux guerres européenne (…). Le droit international s’est en effet construit autour de cette « représentation de l’espace »  qu’est la « souveraineté territoriale » et qui lui est propre ».

Le droit international différencie la souveraineté externe et interne. Cette dernière fut définit par Jean Bodin, dès 1576, dans Les Six livres de la République, comme la « puissance absolue et perpétuelle d’une République ». « L’État n’est subordonné à aucune autre entité et n’est soumis qu’à sa propre volonté. Il exerce son autorité suprême sur une population et un territoire donnés. La souveraineté signifie donc indépendance, capacité à ne pas se voir imposer la volonté des autres (principe de non-ingérence), et liberté d’organisation interne ». Quant à la souveraineté externe, elle « repose sur le principe d’égalité entre les États, quelles que soient leur puissance effective, leurs ressources ou leur démographie, et donc indépendamment des inégalités de fait. On parle ainsi, dans la Charte des Nations unies de 1945, d’« égalité souveraine » (art. 2 § 1) »[1].

L’article 2 § 4 de la Charte des Nations Unies retranscrit explicitement cette conception, qui stipule que : « les Membres de l’Organisation s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies »[2]. De plus, La résolution 2625 (XXV) de l’ONU adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU le 24 octobre 1970, affirme  que le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ne peut être considéré « comme autorisant ou encourageant une action, quelle qu’elle soit, qui démembrerait ou menacerait, totalement ou partiellement l’intégrité territoriale ou l’unité politique de tout État souverain et indépendant ». Par conséquent, les partisans de la souveraineté nationale, considère que chaque nation s’avère légitime de contraindre par la force physique et militaire,  qu’une partie de son peuple (et donc du territoire sur lequel ils vivent ) prenne son indépendance de leur nation d’origine.

A l’inverse du droit à l’autodétermination s’oppose le droit à l’intégrité territoriale. En 2023, la France n’avait toujours pas ratifié la Convention 169 de l’Organisation internationale du travail relative aux peuples indigènes et tribaux de l’Organisation internationale du travail. Or, il s’agit du seul instrument juridique international contraignant relatif aux peuples indigènes et tribaux, qui reconnaît notamment leurs droits collectifs à la terre et leur droit à l’autodétermination.. On le voit les juristes distinguent les droits à l’autodétermination des peuples nations et des peuples indigènes. Mais au regard des principes de la subsidiarité démocratique, de la liberté individuelle et de la liberté territoriale, la distinction ne devrait pas s’opérer. Tout individu et tout peuple devrait disposer du droit à l’autodétermination. Car en régime démocratique, la légitimité démocratique est fondée sur le libre choix des habitants d’un territoire à décider par eux-mêmes, de leur orientation et de leur avenir. La décision ultime consistant au droit et au pouvoir de voter pour que son territoire prenne son indépendance par rapport à sa nation d’origine. C’est qu’affirme la Charte des Nations unies de 1945 avec le droit de « développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes » (article 1, alinéa 2).

Cependant, la mise en application de ce droit démocratique international de l’ONU souffre d’une part, d’un conflit avec le droit à l’intégrité territorial et d’autre part, il ne dispose que rarement d’un pouvoir obligatoire. Pour être appliqué une norme internationale doit être signée par les Etats membres de l’ONU, puis ratifié par le parlement national. Cependant, l’ONU et ses agences ne disposent pas de pouvoir de sanction. Or, une obligation sans menaces de sanction s’avère rarement appliquée, car elle dépend de la bonne volonté des représentants de l’Etat concerné. La charte des Nations Unies et le droit à l’autodétermination reste donc avant tout un principe éthique et politique, car le pouvoir économique et militaire reste plus puissant que la légitimité et l’autorité juridique.

Le peuple du Donbass dispose juridiquement et éthiquement du droit de prendre son indépendance. Comme nous l’avons analysé, ceci se fonde sur les principes démocratiques de la libre souveraineté, du droit international du droit à l’autodétermination et donc aussi du droit de choisir ses alliances avec quiconque : les russes, l’Ukraine, l’OTAN ou autres. Par conséquent, quel que soit les origines historiques, c’est bien aux habitants du Donbass de déterminer, s’ils veulent être indépendants et décider de leurs alliances. Il en est de même des Catalans en Espagne, des irlandais en Grande Bretagne, les corses ou les calédoniens en France… Mais généralement, même dans les nations dites démocratiques, les dirigeants des nations acceptent difficilement le choix des territoires, qui réclament leur autonomie ou leur indépendance.

Par conséquent, en vertu du principe de souveraineté, la défense de la souveraineté démocratique et économique d’une région, telle le Donbass, semble plus légitime que la défense des frontières et du territoire d’une nation (telle l’Ukraine). Par conséquent, à l’issu d’un référendum au Donbass, le peuple du Donbass dispose légitimement du droit à l’indépendance, donc de sortir de l’Ukraine ou de rejoindre la Russie. Mais, malgré les accords de Minsk de 1994, le gouvernement de Kiev n’a pas tenu sa promesse de faire un référendum au Donbass.

En 1991, les citoyens du Donbass ont voté pour l’indépendance de l’Ukraine à 83,9 % dans l’oblast de Donetsk et à 83,6 % dans l’oblast de Louhansk[3]. Cela signifiait que les citoyens d’Ukraine et du Donbass ne souhaitaient pas majoritairement être sous la coupe de la Russie. Ce vote s’avère un indicateur instructif, mais, cela fait déjà 30 ans, donc les choses ont pu changer. Mais surtout, la question posée n’était pas « souhaitez vous que votre territoire reste en Ukraine ? ». Par conséquent, il n’y  pas eu de vote clair et actualisée pour répondre à cette question, surtout après plus d’une dizaine d’années de bombardement sur la Donbass par les troupes de Kiev.

Certains affirment, tel l’historien polonais Zbigniew Kowalewksi, que cette volonté d’indépendance d’une minorité d’habitants du Donbass vis-à-vis de l’Ukraine aurait été attisée par différents acteurs du Donbass et en particulier Rinat Akhmetov. Ce dernier est un magnat industriel de Donetzk. C’est un des oligarques les plus puissants d’Ukraine, mais qui serait pro-russe et qui chercherait à renforcer l’influence de la Russie en Ukraine[4]. C’est une information Intéressante et qui peut s’avérer juste. Mais cela limite-t-il l’argument de la volonté d’autonomie de la majorité des citoyens du Donbass ? Pas vraiment, car la volonté de rapprochement des Ukrainiens vis à vis de l’Otan résulte elle même en partie d’actions d’influence de l’Occident et des USA.

Quelles que soient les causes de la volonté d’indépendance ou non du peuple du Donbass, il aurait fallu que le gouvernement de Kiev (donc aussi du président ukrainien Zelenski), organise un référendum d’autodétermination. S’il n’a pas choisi de le faire malgré qu’il s’y soit engagé dans le cadre des accords de Minsk, c’est qu’il redoutait sans doute une réponse négative. C’est-à-dire un vote pour l’indépendance ou au moins l’autonomie du Donbass vis-à-vis de l’Ukraine. A présent, la réponse la plus adaptée sembleraient de refaire le référendum de septembre 2022 en proposant cette fois les questions suivantes. 1- La population souhaite-elle que le Donbass soit indépendant ou d’autonomie du Donbass ou rattaché à un autre pays ? 2- Dans le cas du refus de l’indépendance, la population du Donbass souhaite-elle être rattachée ou non à la Russie, plutôt qu’à l’Ukraine. L’organisation d’un référendum supposerait d’organiser d’abord un cesser le feu (au moins temporaire), mais cette fois en présence d’observateurs étrangers représentant l’ONU.

Les référendums d’autodétermination pourraient éviter certaines guerres civiles. Au moins lorsque ces dernières proviennent d’une volonté d’indépendance d’une région au sein d’une nation, ou d’un Etat au sein d’une fédération nationale. Les actions visant l’indépendance engendrent souvent une répression par le gouvernement national au nom du respect de son droit à l’intégrité territorial.

Lorsqu’une région (par exemple, le Donbass) est réprimée par le gouvernement national, généralement, une grande puissance ennemi saisi l’occasion pour voler à son secours (par exemple la Russie). Aussitôt, une seconde grande puissance (par exemple les USA et l’Europe) trouve un prétexte démocratique ou autres, pour secourir la nation en danger (par exemple l’Ukraine). Les guerres civiles en Afrique (Rwanda, Angola, Mali, Burkina Faso…) n’échappent pas à cette règles. Les grandes puissances qui interviennent sont principalement les anciens colonisateurs, les Etats-Unis, la France, la Grande Bretagne. Mais à présent, d’autres grandes puissances interviennent, la Russie (autrefois l’URSS durant la guerre froide), la Chine…

Plutôt que de résoudre les conflits politiques et territoriaux par la force, il serait donc préférable d’utiliser des référendums d’autodétermination véritablement démocratiques. Si, ce procédé juridique se révèle peut utilisé, c’est que cela ne répond pas vraiment aux intérêts des nations et des grandes puissances. Elles préfèrent régler leur problème par la force militaire ou les sanctions économiques, au lieu d’user de procédures démocratiques, même lorsqu’elles se proclament les nations les plus démocratiques. Dans le cas des accords de Minsk de 2014, le référendum d’autodétermination s’avérait  pourtant prévu, mais le gouvernement ukrainien ne l’a pas mis en œuvre, or l’OTAN et l’Europe n’ont rien trouver à redire…

Thierry Brugvin

Références

[1] TANNOUS  Manon-Nour, PACREAU Xavier, Les relations internationales, La documentation française, 2020

[2] FLEURY GRAFF Thibaut, « Territoire et droit international », Civitas Europa, 2015/2 (N° 35), p. 41-53.

[3] DON HARRISON Doyle, Secession as an International Phenomenon : From America’s Civil War to Contemporary Separatist Movements, University of Georgia Press, 2010, 397 p.

[4] KOWALEWKSI Zbigniew, « Une rébellion oligarchique dans le Donbass », Monde diplomatique– Edycja polska, n° 12 (106), Varsovie, décembre 2014.