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Parties prenantes : le cas de la relation manager-fonds d’investissement lors d’un transfert externe de pme.

Un nouvel outil a fait son apparition dans l’écosystème du private equity en France. Il a pour objectif de prendre le pouls de la relation managers / fonds d’investissement, pendant la durée de l’investissement, afin de pouvoir, si nécessaire, apporter des actions correctives à une relation qui pourrait se dégrader.

La période de cohabitation entre managers et investisseurs, dans le cadre d’un LBO, n’est pas un long fleuve tranquille, et peut être émaillée de nombreuses tensions pouvant aller jusqu’à la rupture. D’où l’intérêt de pouvoir mesurer de façon dynamique le niveau de tensions potentielles et de confiance entre le manager et ses actionnaires financiers. Nous avons créé le baromètre de la relation managers / fonds d’investissement à l’issue d’un travail de recherche doctoral consacré aux relations entre les repreneurs et les fonds d’investissement. Le baromètre est destiné à mesurer de façon dynamique et longitudinale le niveau de tensions potentielles et de confiance entre le manager et les responsables de la participation, tout au long de la vie du LBO, et à prendre, si nécessaire, des mesures correctives pour éviter que cette relation ne se dégrade. L’approche terrain est basée sur neuf études de cas de dyades repreneurs-fonds d’investissement, comprenant vingt-deux entretiens semi-directifs, précédés de cinquante entretiens exploratoires.

Particularité de la relation entre le manager et le fonds d’investissement

Lors d’une opération de LBO, managers et fonds d’investissement sont soumis à des enjeux qui leur sont propres, dans un contexte particulier où l’entreprise est elle-même mise sous tension par le mécanisme LBO, assorti du rôle disciplinaire de la dette, qu’il est nécessaire de rembourser régulièrement. La spécificité des enjeux de chacun des acteurs, parfois antagonistes, marquée par des périodes de désalignement des intérêts, est susceptible de faire émerger une quinzaine de tensions entre les acteurs.

Les tensions et la confiance : deux dimensions mises en lumière

Les tensions potentielles pouvant survenir entre le manager et le fonds d’investissement présentent un caractère de prédictibilité, selon des temporalités et des intensités différentes.

Six étapes-clés et six séquences ont été identifiées depuis la « demande en mariage » jusqu’à la sortie de l’investisseur. L’émergence de ces tensions peut avoir de lourdes conséquences sur la relation manager-fonds d’investissement. Elles peuvent même nuire à la création de valeur de l’opération. Par ailleurs, la relation de confiance entre les acteurs est un paramètre essentiel qu’il convient de mesurer régulièrement car la confiance permet de contenir les tensions à l’état latent et d’éviter qu’elles se muent en tensions saillantes et deviennent une source de conflit préjudiciable aux deux parties. En effet, dès lors que la confiance est rompue, toutes les tensions gagnent en intensité avec des conséquences sur le corps social et les performances de l’entreprise. Cet outil s’inscrit dans le cadre d’une finance responsable. Appréhender les enjeux de chacune des parties prenantes et disposer d’un tiers de confiance indépendant, neutre et impartial pour anticiper l’émergence des tensions entre les acteurs permet d’améliorer la relation entre le manager et le fonds d’investissement. Cela consiste pour le fonds d’investissement à prendre soin de la relation avec son manager. Cette démarche donne également aux fonds d’investissement la possibilité de valoriser leur image auprès des managers susceptibles de réaliser une acquisition à leurs côtés, et auprès de leurs souscripteurs, et cela dans un contexte de forte intensité concurrentielle.

La nécessité pour le repreneur de choisir le « bon partenaire »

Le paysage des acteurs du capital transmission est très segmenté avec des acteurs majoritaires ou minoritaires, œuvrant sur des LBO primaires, secondaires, tertiaires voire quaternaires, ouverts ou non aux MBI, avec ou sans spécialités sectorielles ou géographiques, et plus ou moins interventionnistes. On trouve également des fonds de nature différente avec des acteurs privés, captifs, c’est-à-dire filiales de banques ou d’assurances, ou encore publics, ainsi que des fonds disposant d’horizons de sortie plus ou moins lointains et avec des cultures spécifiques. Pour permettre aux repreneurs de s’y retrouver dans cet écosystème complexe, et choisir le partenaire financier le mieux adapté à son projet d’acquisition, nous avons élaboré une taxinomie des fonds de LBO. En conclusion, le baromètre de la relation managers / fonds d’investissement est un outil vertueux, respectueux de la dimension humaine, qui s’inscrit dans le respect des critères ESG.

Martine Story