Cet article présente une étude comparative des régimes de redressement et de liquidation judiciaire britannique, américain et allemand, français et leur évolution.
Le Royaume-Uni
Avant la loi (Insolvency Act) de 1986, on pouvait distinguer trois procédures de règlement des défaillances des entreprises : la liquidation, le règlement judiciaire et le règlement amiable. La loi de 1986 a introduit une procédure supplémentaire, celle de l’administration judiciaire.
La procédure la plus répandue est celle de la liquidation. L’idée est simple à savoir vendre les actifs de la société pour pouvoir rembourser les créanciers. Il s’agit de vendre la société dans une perspective de continuité de l’exploitation ou de cessation de l’activité.
Le règlement judiciaire ne peut être envisagé que lorsque l’un ou plusieurs créanciers de la société détiennent sur ses actifs un privilège d’une catégorie particulière, appelé « floating charge ». Il s’agit d’une sûreté sur des biens meubles tels que les stocks et les travaux en cours. Le syndic est désigné par le créancier qui détient ce type de privilège, dont il représente les seuls intérêts. Investi de pouvoirs importants, il dirige entièrement la société et agit de façon autonome sans autorisation préalable du tribunal ni des autres créanciers. Toutefois, il n’est pas habilité à accorder des moratoires (c’est-à-dire reporter le remboursement du principal et des intérêts) ni à émettre des créances de même rang que les créances en souffrance. En l’absence de créancier détenteur de ce type de sûreté, il n’est pas possible de nommer un syndic et jusqu’en 1986 il n’existait qu’une alternative possible : la liquidation. La fonction d’administrateur judiciaire a été instituée par la loi de 1986 afin de combler cette lacune.
Il existe entre les deux régimes une différence importante : le syndic ne représente qu’un seul créancier alors que l’administrateur judiciaire au sens de la réglementation britannique représente la masse des créanciers. Par ailleurs, un grand nombre de sociétés en difficulté se restructurent en dehors du cadre judiciaire au travers de la restructuration de ses activités et du réaménagement de sa dette.
Aux Etats-Unis
Aux Etats-Unis, il existe deux procédures de redressement ou de liquidation des sociétés : celles prévues par le « chapter 7 » et le « Chapter 11 ». Le « Chapter 7 » est la procédure de liquidation judiciaire sous l’autorité d’un administrateur qui réalise les actifs. Le « Chapter 11 » autorise la poursuite de l’activité et prévoit l’établissement d’un plan de redressement avec les créanciers. L’équipe de direction de l’entreprise défaillante (règle du « debtor-in-possession »), conserve son pouvoir de décision pour tenter de redresser l’entreprise en trouvant une solution pour les créanciers et en préservant le patrimoine des actionnaires. La plupart des sociétés ne se placent sous la protection du « Chapter 11 » qu’après l’échec d’une tentative de règlement amiable. Le règlement amiable peut revêtir la forme d’un échange de créances contre des actions, d’une renégociation des obligations contractuelles ou du montant des intérêts ou d’un rééchelonnement de la dette. En cas de règlement amiable, le tribunal ne supervise pas les activités de la société en difficulté, alors qu’en cas de passage sous le régime du « Chapter 11 » la conduite des affaires de la société est étroitement surveillée par les créanciers et le tribunal. Certaines entreprises essaient de conjuguer les avantages d’un règlement amiable (faibles coûts de gestion) et ceux du régime du « Chapter 11 », c’est le « prepack » (faillite préemballée). Il s’agit de trouver, en amont, un plan de redressement qui sera ensuite agréée par le Tribunal. Même si cette solution parait de nature à trouver des solutions pour la continuité de l’entreprise, il n’en reste pas moins que la procédure du « Chapter 7 » reste la plus utilisée. Le plus souvent la situation de la société est irrémédiablement compromise et aucune solution de redressement pérenne n’est possible.
En Allemagne
En Allemagne, la loi sur les faillites comprend plusieurs procédures : la liquidation judiciaire et le concordat. Le concordat peut être refusé lorsque, selon le tribunal, la continuité de l’exploitation est irrémédiablement compromise ou lorsque les conditions exigées pour le remboursement des créanciers sont trop strictes. Actuellement, la procédure la plus répandue est celle de la liquidation judiciaire, qui consiste à déléguer la gestion des biens de la société à un administrateur, le plus souvent nommé par le tribunal et rendant compte à un comité de créanciers. Ici aussi, l’administrateur a pour mission de réaliser les actifs de la société.
A l’ouverture de la procédure de faillite, le tribunal désigne les membres d’un comité des créanciers ainsi que l’administrateur judiciaire. Un changement de législation a eu lieu en 2021. L’idée force est de trouver des solutions aux difficultés de l’entreprise en dehors des procédures judiciaires. Lorsque l’entreprise est surendettée (actif qui ne couvre plus les dettes), on peut prononcer sa cessation de paiement « Zahlungsunfähigkeit ». La procédure de redressement judiciaire cherche à trouver les moyens de redresser l’entreprise. Dans ce cadre, la direction de l’entreprise devra établir, au préalable, un plan de restructuration complet. Ce plan être approuvé par 75% des créanciers de chacun des groupes constitués. Si les créanciers de l’entreprise en difficulté acceptent le plan de restructuration à l’unanimité, celui-ci pourra alors être mis en œuvre sans l’intervention du Tribunal des procédures collectives. Si le plan de restructuration est accepté par la majorité des créanciers, il sera soumis au tribunal, qui pourra le confirmer en le rendant ainsi également opposable aux créanciers qui l’avaient initialement refusé. C’est un moyen de forcer l’accord lorsque l’unanimité n’existe pas. Force est de constater des similitudes avec l’évolution du droit français.
La France
Le droit français se caractérise principalement par une multitude de vecteurs destinés à détecter et résoudre les difficultés des entreprises. On peut distinguer les procédures amiables et confidentielles (mandat ad hoc et conciliation) dont le principal objectif est de traiter le plus amont possible les difficultés des entreprises. L’avantage du mandat ad hoc est son caractère confidentiel que l’on peut retrouver au sein la conciliation. Dans ce dernier cas, deux options sont possibles. Dans le premier cas, il y a une simple constatation par le Président du Tribunal de Commerce. Cela donne une force exécutoire à l’accord mais ne nécessite pas de publication vis-à-vis des tiers. L’accord reste alors confidentiel. Dans le second l’accord peut être homologué par le Tribunal ce qui donne une sécurité supplémentaire aux actes passés en vue de l’accord. La contrepartie est que l’accord est rendu public et fait perdre le côté confidentiel (cette publicité donne aux banques la garantie de ne pas être poursuivies pour soutien abusif).
A ces mesures préventives s’ajoutent les mesures curatives que sont le redressement judiciaire (RJ) et la liquidation judiciaire (LJ). La première (RJ) marque la cessation de paiement des entreprises et un administrateur est nommé pour trouver des moyens à l’entreprise pour se redresser. Le pouvoir de gestion est dans les mains de l’administrateur judiciaire. Si l’entreprise ne peut se redresser ou être cédée, la procédure est alors celle de la LJ. Le liquidateur met fin à l’activité de l’entreprise et paie les créanciers selon un ordre de priorité[1].
Conclusion
A la lecture de notre propos, force est de constater que de nombreuses différences existent. Cependant, on peut noter des lignes de force entre ces différents vecteurs qui visent à traiter des difficultés des entreprises. Premièrement, il existe une ligne de démarcation entre le droit britannique et les autres, le premier avantage les créanciers comparativement aux débiteurs. Derrière ce constat, l’idée est de sécuriser les créanciers qui de ce fait réallouerons plus facilement leurs fonds vers des projets rentables en minimisant leurs risques. Deuxièmement, le droit français présente une différence majeure avec le droit américain. En effet, en France, le dirigeant perd son pouvoir de décision en situation de RJ alors qu’il est maintenu aux Etats-Unis « Chapter 11 ». Cela traduit que pour les Etats-Unis, le dirigeant, mieux informé, est considéré comme le plus capable, au moins au début, de détecter les faiblesses de son entreprise et ce faisant d’y apporter des solutions. Troisièmement, on constate une convergence entre les droits américain, allemand et français. Cette convergence repose sur une idée simple qui part du principe que si l’entreprise reconnait ses difficultés de manière précoce, c’est à dire avant l’état de cessation des paiements, les chances de redressement sont augmentées. Si cet argument est recevable, il bute encore sur l’attitude du dirigeant qui a toujours beaucoup de mal à reconnaître ses difficultés. Cette caractéristique française trouve ses racines dans notre histoire et notre culture où la faillite est encore vue comme infamante. Quatrièmement, un autre point de convergence entre les cadres américain, allemand et français est de rechercher un consensus et dans la négative de trouver un moyen de forcer l’accord avec non plus une règle d’unanimité mais de majorité (ou de double majorité) visant à préserver les intérêts du plus grand nombre d’acteurs aux objectifs souvent fort différents. Cinquièmement, toutes ces procédures instaurent des règles de priorité même si elles diffèrent selon les différents pays.
Tous ces éléments montrent que ces procédures évoluent. En définitive, il s’agit, pour nos instituions, de trouver les méthodes les plus efficaces pour traiter de la difficulté des entreprises et au-delà de favoriser la croissance et le développement économique.
Eric Séverin, David Veganzones
[1] Ces différentes procédures ont été complétées en 2006 par la procédure de sauvegarde et de sauvegarde financière accélérée qui s’inspire des « prepacks » américains (faillites préemballées). Ces procédures ont pour but de faciliter le redressement d’une entreprise en permettant au chef d’entreprise de signifier au tribunal compétent les problèmes que connait son entreprise avant qu’elle soit en cessation de paiement. La loi de sauvegarde des entreprises permet à un chef d’entreprise qui a en fait la demande de continuer à gérer son entreprise.