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Et si on parlait de l’attractivité du métier d’enseignant – chercheur en gestion ?

Les titulaires de l’enseignement supérieur de l’Université française, à savoir les professeurs des universités (PR) et maîtres de conférences (MCF) exercent un métier riche, stimulant, engageant mais aussi fragilisé.

Qu’est-ce qu’un enseignant-chercheur en sciences de gestion ?

La profession des universitaires est longtemps restée sans statut. Doit-on, à partir de ce constat, en conclure le peu d’intérêt de l’État pour cette profession ?

Trois textes fondent le statut des universitaires : les lois Faure de 1968, Savary de 1984 et le décret Pécresse de 2009.

En 1984, les MCF et les PR deviennent enseignants-chercheurs (EC), accomplissent deux fonctions et ont en charge une liste d’activités « à la Prévert », dévolues jusque-là à divers métiers dans l’université (Sacriste, 2014). Le service passe de 128 à 192 heures par an. Ces changements majeurs visent à faire face à la massification des étudiants dans un contexte d’austérité budgétaire.

En 2009, la liste de leurs activités s’étend, encore. Bien que non spécifié (donc non rémunéré), l’EC est désormais aussi manager et participe à la nouvelle gouvernance des universités. Les EC sont donc 50% enseignant, 50% chercheur, et (50% ?) manager. Les décideurs auraient-ils quelques lacunes en statistiques élémentaires ?

En France, un étudiant sur cinq en gestion

D’après la FNEGE, les étudiants en gestion et management représentent un poids lourd de l’enseignement supérieur : en 2019-2020, ils sont 534.775 sur un total de 2.725.300 étudiants, soit 19,62%. Les EC en sciences de gestion représenteraient-ils la même proportion ? Pas vraiment… En 2019-2020, ils sont 2.143, soit 3,85% de l’effectif total des PR et MCF !

En réalité, le sous-encadrement en gestion est patent et partout ! Moins de 4% des EC forment près de 20% des effectifs. Et seuls 24% sont Professeurs (vs 36% en moyenne toutes disciplines confondues). Moins de 2.150 universitaires ont la charge de plus de 530.000 étudiants, soit un pour quasiment 250 étudiants. Difficile de ne pas constater froidement l’insuffisance criante du nombre d’EC de sciences de gestion et du management à l’université !

La précarisation du statut national

Le métier d’universitaire connaît une série de fragilisations d’origine politique constituant des ruptures brutales et sans sommation. Les points touchant au statut national ont été introduits par amendement au cours du débat parlementaire en nocturne au Sénat, à savoir la création des emplois de « professeurs juniors » et la suppression de la qualification par le CNU. La fin de l’avancement national en serait le dernier avatar.

Prenons le cas des « professeurs juniors » offrant un accès raccourci au professorat pour des profils particulièrement prometteurs. Au vu du caractère « prometteur » de ces futurs collègues, on pourrait supposer que la liste de leurs compétences et qualifications soit extrêmement longue. Qu’en est-il ? Pour candidater, il faudra être titulaire « d’un doctorat ou d’un diplôme équivalent ». Surprise ! Les collègues MCF candidatant à des postes de PR doivent être docteur, réussir l’agrégation du supérieur (pour les six disciplines agrégatives dont la gestion) ou obtenir une habilitation à diriger des recherches (le plus haut diplôme universitaire) et avoir été qualifiés par le CNU. Ainsi, les professeurs juniors recrutés sur un seul critère, que satisfont tous les MCF, sont considérés comme plus prometteurs ! Notons au passage que l’enseignement a disparu des exigences de recrutement, imposées au « tout venant » des EC.

Est-il vraisemblable d’imaginer qu’une diminution de la sélectivité des universitaires aboutisse à améliorer l’attractivité et la qualité des profils d’EC ?

*Les EC, comme d’autres corps ou professions, ne sont pas, par principe ou nature, réfractaires au changement. Mais comme d’autres, ils n’ont aucune raison d’accepter n’importe quel changement !

Réformer, c’est innover en intégrant la richesse de l’existant, donner des moyens pour engager les transformations. L’attractivité du métier est mise en péril par la dureté des discours et les réformes non concertées.

Les EC attendent de véritables évolutions positives de leur métier et sont prêts à y prendre une part active.

 

Thérèse Albertini, Delphine Bereni et Solange Hernandez

Références

BEAUD O, VATIN F. (2020), La profession universitaire. Une expression malheureuse, « enseignant-chercheur », et un statut dégradé (I), Commentaire, 172(4), pp. 859-870.

PACHE G. (2021), Menaces sur le corps des professeurs des universités en sciences de gestion et du management, RFG,1(294), pp. 41 à 51.

Sacriste V. (2014), Le métier d’enseignant-chercheur au prisme de ses contradictions, Sociologies pratiques, 1(3), pp. 53- 63.