Interview

Entretien auprès de Madame Delphine Dumont, DRH Ubaldi.com

Madame Delphine Dumont est une ancienne DRH au sein de CAPIO. Les périmètre géré est de 700 personnes et de 3 établissements. Entretien réalisé par Stefen Simon.

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Votre vision du métier DRH aujourd’hui ? Quels sont les défis prioritaires ?

Le métier DRH s’est encore densifié ces dernières années. Selon moi, les défis prioritaires sont au nombre de quatre. Tout d’abord, la tension dans le processus de recrutement. Dans certains métiers où les professionnels manquent, les employeurs doivent composer avec les aspirations, et dans certains cas même totalement accepter les conditions des candidats. Certains candidats sont en vraie réflexion dans un contexte post-covid. Ils souhaitent clairement changer d’orientation ou se reconvertir. Aussi, l’employeur est tenu de recruter sur les soft skills et non plus sur les hard skills. Il s’agit d’aller vérifier la potentialité, la détermination, l’ouverture d’esprit et la vision du métier. Ensuite, le DRH doit faire preuve d’agilité afin d’accompagner les transformations organisationnelles. La crise sanitaire a inclus, dans le quotidien de tous, la notion d’immédiateté. Celle-ci devient prépondérante dans toutes les relations.  De plus, les collaborateurs sont devenus plus exigeants dans la communication du quotidien. Ils demandent davantage de considération. Ils souhaitent être informés en amont des projets ou changements. Enfin, dans un souci de performance globale de l’organisation, il convient d’apporter de la perspective et de la prospective : mettre en place un gestion prévisionnelle des emplois et de compétences simple et applicable à court terme. Proposer un prochain poste au collaborateur dès 18 mois et non plus après 24 mois ou 36 mois. L’organisation doit se montrer apprenante.

Comment est la fonction RH à votre arrivée au sein de CAPIO ? Quels étaient les enjeux RH ?

Très peu mature. Il s’agissait d’un contexte où la société était détenue par un fonds d’investissement, où la notion de rentabilité était primordiale. La variable d’ajustement correspond aux hommes et aux femmes. Le business model était presque inversé. La réduction des coûts passait par la diminution des « ETP ». La fonction RH est ainsi vue comme une fonction financière de prime abord. Le poids du contrôle de gestion de social était très fort. Compte tenu de la structure des effectifs, autrement dit un nombre importants de vacataires et de CDD, la fonction paie est prioritaire car elle représente une majeure partie du quotidien. Les structures de rémunération, liées aux statuts, limitent la souplesse dans la détermination des salaires. Dans l’ensemble, il s’agit d’une « désorganisation organisée ». Les personnels occupent plusieurs postes simultanément. Le poids de la négociation collective est fort, la culture corporatiste, et syndicale, est prégnante. Elle renforce l’inertie. Peu d’ouverture d’esprit. La réticence au changement est très forte. Compte de tenu des métiers, la performance collective est reconnue au détriment de la performance individuelle. Par exemple, on ne distingue pas une sage femme, on met en avant le service maternité.   Il semble alors délicat de récompenser la performance individuelle par une rétribution financière.

Quelles mesures avez-vous mises en place pour optimiser les pratiques de recrutement ?

Le constat est net : la difficulté première est la pénurie de candidats. La solution la plus utilisée est le recours aux Entreprises de Travail Temporaire pour parer à l’urgence ou aux postes vacants. S’agissant de l’attractivité, l’amour du métier demeure le premier ressort, la passion pour le métier de soignant reste marquée. Le second ressort correspond au lien social. Il faut créer les conditions propices à la cohésion d’équipe, renforcer les liens entre les membres. En effet, la rémunération sera souvent contenue ou règlementée, il est nécessaire de valoriser d’autres aspects pour attirer puis fidéliser les talents.

Comment avez-vous réussi à mobiliser les équipes, à augmenter leur niveau d’implication ?

Les équipes étaient impliquées, les professionnels connaissent les raisons de leur présence. En revanche, les politiques de gestion des compétences sont inexistences. L’organisation ne peut donc pas anticiper les besoins en termes de compétences techniques ou comportementales. En outre, il a fallu mettre en avant le groupe, donner du sens collectif. Au delà de la passion pour leur métier, les salariés s’investissent par solidarité envers leurs collègues. Ce sentiment est un terreau sur lequel le DRH peut capitaliser.