Exécutive Mastère (EM) est un titre générique désignant des formations à temps partiel destinées à des professionnels justifiant d’une expérience professionnelle significative (au moins 5 ans) et désireux d’approfondir ou d’élargir leur champ de compétences. Ces formations certifiantes ou diplômantes sont généralement construites autour d’une spécialité qui peut être sectorielle (ex : Immobilier, Grande distribution…) ou fonctionnelle (ex : DG, RH…).
Principales Motivations
Les motivations réelles des participants à un Executive Mastère sont plurielles. Si certains cherchent avant tout à étoffer leur CV avec le nom d’une école prestigieuse, la plupart sont dans une démarche beaucoup plus réfléchie. Parmi eux, on trouve ceux qui souhaitent :
- Accélérer les carrières dans le domaine de spécialité de l’EM en changeant le regard sur leur parcours : adosser leur expérience à une légitimité académique,
- Accompagner/ se préparer à une prise de poste
- Modifier la trajectoire professionnelle pour se consacrer à un nouveau métier ou encore créer leur propre affaire.
Au-delà de ces finalités instrumentales, de nombreux participants sont également à la recherche d’une respiration personnelle et intellectuelle. Il s’agit de prendre de la hauteur et de se confronter à des formes de pensées plus élaborées que celles d’inspiration logico-mathématique auxquelles ils sont confrontés dans leur quotidien. Ces participants manifestent une irrépressible envie de mieux se comprendre et de mieux se situer humainement et professionnellement dans le monde d’aujourd’hui.
A l’évidence, de nombreux Executive Mastères répondent très bien au besoin d’acquisition de nouvelles compétences de ceux qui ont un projet professionnel concret. L’offre pédagogique de ces EM est principalement vocationnelle car les savoirs partagés sont avant tout prescriptifs et expérientiels.
Plusieurs facteurs concourent à légitimer cette forme de connaissance. Tout d’abord, le parcours et le prestige des fonctions occupées par certains intervenants. Ensuite, les thématiques du programme dont la majorité répondent directement à des préoccupations opérationnelles. Enfin, la pédagogie qui favorise le storytelling et les études de cas en s’appuyant autant que possible sur les expériences des intervenants et des participants.
Cette omni-proximité professionnelle avec les enjeux sectoriels ou fonctionnels du programme est rassurante pour les participants et susceptible de renforcer la confiance qu’ils peuvent avoir dans leurs pratiques.
Vers de nouvelles attentes
Beaucoup plus rares sont les Executive Mastères qui réussissent à satisfaire des attentes plus qualitatives et même existentielles de leurs apprenants. L’offre pédagogique d’une telle formation serait alors d’inspiration libérale dans la mesure où la raison d’être du programme devrait largement dépasser la simple transmission de connaissances techniques ou spécialisées et garderait ses distances avec la dramatisation ou l’édulcoration de la vie professionnelle.
En revanche, les participants seraient encouragés à développer leur capacité réflexive, c’est-à-dire appréhender la complexité organisationnelle et réfléchir délibérément sur leur façon de raisonner et de faire en vue d’améliorer leurs pratiques et leur impact sociétal. A cela s’ajouterait une relative liberté d’explorer les savoirs et les savoir-faire qui les préoccupent et qui feraient sens avec leur trajectoire personnelle.
Les EM Trajectoires Dirigeants et Ressources Humaines de Sciences Po Executive Education s’inscrivent dans cette nouvelle génération de programmes dédiés à celles et ceux qui aspirent à prendre de la hauteur professionnelle autrement que par l’accumulation de connaissances vocationnelles.
Les contenus de ces programmes permettent aux participants d’explorer des sujets et des disciplines a priori éloignés de leurs bases professionnelles et pourtant si nutritifs d’un point de réflexif. Par exemple, les participants de l’EM Trajectoires Dirigeants et de l’EM Ressources Humaines sont confrontés aux Sciences Politiques, à la Prospective, à la Démographie, à la Sociologie des Organisations et du Numérique ainsi qu’à la littérature contemporaine engagée.
Au premier abord, on pourrait penser qu’il suffit de sélectionner des intervenants iconoclastes et de convoquer des disciplines inattendues pour délivrer un programme libéral au sens éducatif du terme. Mais un tel affichage ne rend pas compte des critères de sélection des participants, de la façon dont la communauté d’apprentissage constituée est animée, ni de l’exigence intellectuelle des séquences et encore moins des liens qui se tissent progressivement entre les sujets tout au long du programme. La partie immergée du curriculum apparaît davantage comme le fruit d’une alchimie pédagogique que d’une accumulation de connaissances vocationnelles.
Pourtant, un tel programme n’est pas sans risque et le plus significatif d’entre eux est sans doute celui du dogmatisme. À s’éloigner du confort des connaissances vocationnelles on évolue nécessairement dans des espaces à forte teneur idéologique où le pragmatisme et le réalisme peinent à s’imposer. Les intervenants peuvent alors ressentir la charge d’une mission d’intérêt général en faisant la promotion de leur idéal de société et de comportement dans la vie professionnelle. Dès lors, si une majorité d’intervenants partagent les mêmes idéaux, le programme se transforme assez vite en une école de pensée. Ce faisant, ils anéantissent l’impératif de liberté indispensable à une formation exécutive d’inspiration libérale.
Afin d’éviter cet écueil, la direction scientifique du programme doit notamment se prémunir contre toute connivence doctrinaire au sein de l’équipe pédagogique. Le but n’étant pas d’exposer les participants à une vérité absolue mais de les confronter aux différentes vérités qui s’opposent, révélant ainsi les ambiguïtés et les tensions inhérentes à toute activité professionnelle et plus généralement à la vie sociale organisée.
L’ambition réflexive d’un Executive Mastère libéral requiert donc beaucoup d’audaces pédagogiques, de vigilance idéologique et de remises en cause des logiques cognitives dominantes. Et pour concrétiser cette ambition, les directions de ces programmes devront, sans relâche, faire preuve d’une exigence morale et intellectuelle.
Michel Barabel et Eric-Jean Garcia