Les actionnaires d’Icade et de Silic ont approuvé la fusion des deux foncières au 31 décembre 2013 afin d’avoir une nouvelle entité capable répondre aux enjeux du Grand Paris. Icade est une société créée en 1954, pour faire face aux besoins de logements au niveau national. La société, alors liée à la Caisse des Dépôts, a comme mission étatique de soutenir les grands développements économiques et sociaux dans le pays. Icade a une culture institutionnelle forte. De son côté, Silic est une plus petite entité mais est un acteur clé dans le développement urbain français car elle détient des emplacements stratégiques en région parisienne. La nouvelle organisation issue de la fusion est une société privée où la Caisse des Dépôts est actionnaire minoritaire (répartition du capital : 39 % pour actionnaires publics – 61 % actionnaires privés). Il ne s’agit donc pas d’une privatisation, mais dans cette opération, l’État intervient dans la stratégie de développement des entreprises pour assurer sa propre stratégie – via une opération de fusion en vue de sécuriser le projet du Grand Paris.
Défis de l’intégration post-fusion
Effectuer une fusion était un défi en terme d’intégration des deux entités. Entre 40 et 60 % des fusions-acquisitions échouent dans leur objectif de création de valeur. La phase d’intégration de ces opérations engendre une confrontation directe entre deux entreprises distinctes avec leur culture, leurs processus et normes propres à chacun. L’intégration confronte ces structures et systèmes, peut-être compatibles, mais avant tout différents. De plus, le transfert de connaissances est un processus long et difficile car il implique de transférer les connaissances explicites mais aussi tacites entre la société absorbée et celle absorbante. Par exemple, le « savoir-faire » relève d’une connaissance dite tacite, et son appropriation par les deux sociétés, ne peut se résumer à une communication écrite ou verbale. Cependant, ce transfert de connaissances est déterminant pour assurer le succès d’une fusion entre deux entreprises car la création de valeur post-acquisition dépend de la capacité de l’organisation absorbée à partager ses informations avec la société absorbante, et inversement. En ce sens, une possible création de valeur lors de l’intégration émane tout d’abord d’un transfert de connaissances réussi.
Un transfert de connaissances facilité
Le transfert de connaissances a été jugé comme positif un an après l’intégration post-fusion. Alors que le transfert de connaissances était unilatéral en début d’intégration (domination institutionnelle de l’acquéreur), deux éléments « facilitateurs » ont été identifiés, permettant une valorisation des ressources des deux entités regroupées. En d’autres termes deux étapes ont été à franchir pour assurer un transfert de connaissances réussi, qui tienne compte des spécificités propres aux deux sociétés regroupées publique et privée. Premièrement, il s’agissait de solliciter l’aide d’anciens top-managers de la société absorbée – Silic (issue du privé)- pour dresser un état des lieux et des axes de progression peu de temps après la signature de l’opération. Les top-managers de la société absorbante se sont en effet appuyés sur l’expertise de deux anciens top-managers pour engendrer une compréhension globale de l’organisation et des enjeux de celle-ci et miser sur l’innovation commerciale et le développement de nouvelles activités. Deuxièmement, des connaissances existantes en interne mais sous-exploitées ont pu être mobilisées. La revalorisation de la compétence clé de la société absorbée (dans le domaine de la relation client) au sein du nouvel ensemble a ainsi participé à la réussite de l’intégration post-fusion et favorisé des relations d’interdépendance stratégique (synergies de croissance) entre les deux parties.
En 2021 et au regard des défis qui les attendent, la structure continue à se développer pour conquérir les nombreux appels à projet, lancés dans le cadre du Grand Paris. Afin de mieux répondre à la crise actuelle, la nouvelle organisation, dotée de ressources stratégiques complémentaires (légitimité institutionnelle et efficacité économique), se focalise désormais sur l’impact de la crise sanitaire dans le domaine du logement et des bureaux, en misant sur l’expérimentation et l’adaptation locale.
Références
Meier, O., Schier, G. (2019) « Fusions acquisitions », 6eme ed., Paris, Dunod.
Thelisson A.S. & Meier O. (2020) « Le rôle des minorités actives dans le processus d’intégration symbiotique post-acquisition. Une étude longitudinale d’une fusion dans le cadre du Grand Paris », Revue Interdisciplinaire Management, Homme & Entreprise (RIMHE), vol. 2020/3, n° 40, pp. 45 -67
Thelisson A.-S. (2018) « Le transfert de connaissances en intégration post-fusion : enseignements d’un cas », Management & Avenir, Vol. 6, n° 96, pp. 73-92.
Steigenberger, N. (2017) « The challenge of integration: A review of the M&A integration literature », International Journal of Management Reviews, Vol. 19, n° 4, p. 408