Dans la première tradition, l’éthique consiste en une science du comportement et des mœurs et plus généralement en une théorie des principes régissant les choix pratiques. Quant à la morale, celle-ci est vue comme un ensemble de moyens régissant les choix pratiques. La seconde tradition vise à définir l’éthique comme un ensemble de règles partagées et typiques d’une société donnée.
Les considérations éthiques (ethos, en grec) comprennent ce qui est juste ou faux ainsi que la compréhension des raisons sous-jacentes à ces comportements (Bishop, 2013). Dans la plupart des pays développés, l’éthique est une discipline de vie, faisant partie intégrante du quotidien, régissant aussi bien les relations individuelles, humaines, institutionnelles ou organisationnelles privées et publiques. Cette vision se révèle parfois contredite par des actions individuelles (localisées) qui viennent mettre à mal ce qui fonde nos sociétés. Dans les pays en voie développement, l’éthique doit parfois se heurter à un système de corruption institutionnalisé, qui gangrène malheureusement bien des assises des sociétés concernées et dont les effets néfastes se répercutent sur plusieurs années dans la plupart des secteurs d’activités (Doueiry Verne et Verne, 2020).
L’éthique est donc un sujet sérieux qui ne peut simplement se résumer à une simple rhétorique (discours) visant à enjoliver les actions individuelles et collectives de certains acteurs dans le champ de la politique ou de l’économie. Elle demande un effort de la part des parties prenantes pour la remettre dans un cadre légal et institutionnel mais également dans la gestion de pratiques quotidiennes, afin qu’elle soit intégrée dans la vie économique et sociale des individus. Ainsi, l’éthique est une façon de penser et d’agir, un processus réfléchi, un exercice communautaire (conscience collective) dans lequel il s’agit de respecter la dignité humaine (Ciulla 2004).
Mais, concrètement, dans quelle mesure peut-on adopter une approche éthique dans le champ des organisations ?
L’éthique est une discipline de jugement et d’action (engagement), une réflexion fondamentale sur laquelle l’ensemble des acteurs doivent pouvoir établir des normes, des limites et des devoirs (leadership responsable), comme le précisent les travaux de Warren et al. (2011). Pratiquer l’éthique, c’est donc aussi et surtout avoir le courage de reconnaitre ses erreurs, de savoir demander pardon quand il le faut (humilité, honnêteté intellectuelle, lucidité) et d’essayer par maintes façons (discours factuel et argumenté, actions concrètes, production symbolique à fort impact) de corriger ses déviances, en agissant correctement et en rectifiant le préjudice causé.
C’est là que l’on retrouve les concepts de vérité et d’authenticité, qui permettent de retrouver des fondements solides à l’action managériale, en privilégiant l’intérêt général sur la profitabilité à court terme, la relation aux parties prenantes sur la simple politique actionnariale, la qualité produit et le respect de la personne sur l’opportunisme. Même si ces dispositions peuvent souvent se heurter à la réalité des affaires et aux pressions qui s’exercent sur les entreprises, l’exemple de « Itochu Corporation », classée « Top 2 Trading Company » montre comment une entreprise multinationale, dans un contexte d’hypercompétition, peut réussir à pratiquer l’éthique, en prenant soin de ses ressources humaines et notamment de leur santé physique et mentale (Doueiry Verne et Meier, 2018).
Etre éthique c’est donc finalement, ne pas sombrer dans les dérives de l’opportunisme et du matérialisme fondés sur une approche à court terme et souvent déviante (corruption), en mettant au centre des activités la question sociale et sociétale, et plus généralement sa contribution pour le bien public et le développement intergénérationnel (santé, sécurité, protection de l’environnement, transmission, solidarité entre les générations).
Références
Bishop W.H., “The Role of Ethics in 21st Century Organizations”, Journal of Business Ethics, December 2013, Vol. 118, No.3, pp. 635-637.
Ciulla J.B., Ethics, the heart of leadership, Westport, CT: Greenwood Publishing, 2004.
Warren & Al., Business schools: Ethics, assurance of learning, and the future. Organization Management Journal, 5(1), 41-58.
Doueiry Verne C. & Meier O., Culture et Ethique – Regard sur le Japon et les grandes entreprises japonaises, Editions VA Press, Carnets du Business, Paris, 2018.
Doueiry Verne C. & Verne JF., “Causality Between Corruption, GDP Growth and Political Stability: A Panel Data Analysis”, The Empirical Economics Letters, Vol. 19, No.2, February 2020, pp. 127-136.