Cet article présente une revue de la littérature et une analyse bibliométrique des recherches académiques sur les prix du vin en économie.
L’étude analyse 180 articles publiés dans des revues académiques entre 1992 et 2022. Les méthodes bibliométriques et de cartographie scientifique fournissent des indicateurs identifiant les principales revues, auteurs, pays, institutions et thèmes abordés ainsi que les articles les plus publiés et les plus cités. Nos résultats mettent en évidence l’importance de quatre groupes majeurs (appelés clusters) dans la littérature :
- Le premier cluster se concentre sur la demande et la consommation de vin. Dans ce cadre, la littérature traite des facteurs influençant la demande, le vin au verre et la consommation de vin pendant la crise pandémique.
- Le deuxième groupe se concentre sur les déterminants des prix du vin, tels que les facteurs agricoles et géographiques, l’âge, l’information du public et les facteurs d’offre. En outre, ce cluster met en évidence le cas spécifique des vins fins.
- Le troisième cluster présente la littérature sur les vins fins en tant qu’investissement alternatif.
- Enfin, le dernier cluster s’intéresse à la qualité et à la réputation des marques des vins de Bordeaux, comme la réputation collective et individuelle, la place de la marque et le recours à un modèle hédonique.
Demande et consommation de vin
Les études soulignent différents éléments influençant la demande et la consommation : la perception du produit, le prix du vin et les informations sur ce dernier, les comportements de consommation (en particulier le marché chinois).
Les nouveaux modes de consommation montrent une tendance des consommateurs à se tourner vers des produits vinicoles de meilleure qualité ou vers d’autres alcools. Par exemple, les femmes et les personnes entre 18 et 45 ans sont les principaux groupes attirés par la tendance du vin au verre. Cette consommation tend à réduire les risques sociaux, psychologiques et physiques. Ainsi, certains consommateurs l’utilisent comme une opportunité d’essayer des vins nouveaux et plus chers.
En outre, la crise pandémique liée au Covid-19 a modifié le rapport à l’alcool, en particulier en ce qui concerne le vin. Dans un premier temps, une crainte d’une baisse de la demande a été envisagée, ce qui aurait pu entraîner une baisse des prix (Cardebat et al., 2020), même si cela n’a finalement pas été le cas. En réalité, il existe des similitudes et des différences dans les changements de comportement et les modes de consommation entre professionnels et non-professionnels. Par exemple, l’anxiété, le sexe et l’âge ont un impact sur la consommation. Cependant, la fidélité des consommateurs avant le premier confinement et le rôle de la technologie pour expliquer la fréquence de consommation à travers l’utilisation d’applications et les achats en ligne ont ouvert un nouvel horizon aux études sur les comportements des consommateurs.
Les déterminants des prix du vin
Des chercheurs distinguent les facteurs agricoles et géographiques, l’impact du vieillissement, l’information du public, et les facteurs d’offre. De nombreuses études se focalisent sur le cas spécifique des grands vins. Bien que les « vins fins » ne représentent qu’une infime part du marché global. Les investisseurs et les collectionneurs scrutent l’évolution de leurs prix, qui reste difficile à anticiper (Ben Ameur et al., 2022). En effet, il s’agit d’un actif de collection, tangible, qui offre des perspectives potentielles en cas de crise financière. De plus, des facteurs, tels que la masse monétaire, les taux d’intérêt réels et la croissance des fonds d’investissement influencent le prix des vins fins. Le producteur, le millésime, la qualité, la taille de la bouteille, la caisse, les défauts et le volume des échanges affectent également les prix des vins fins en fonction des lieux de négociation : enchères, commerce électronique, etc. Par ailleurs, sous l’influence de facteurs macroéconomiques communs, les prix des vins fins se comportent comme ceux des matières premières. Enfin, les prix des vins fins peuvent contenir des informations utiles pour prévoir le produit intérieur brut.
Les vins fins comme investissement alternatif
Le nombre de publications relatives au vin fin comme investissement alternatif a augmenté en une décennie (voir Le Fur (2021) pour une revue de la littérature). De nombreuses recherches démontrent l’effet positif de posséder du vin pour un investisseur qui souhaiterait diversifier son portefeuille de placement. Le vin est une valeur refuge, c’est-à-dire un outil de couverture (ou parachute) réduisant le risque découlant des mouvements défavorables des marchés, notamment pendant les périodes de crises comme ce fut par exemple le cas lors de la crise du COVID-19. Cependant, les bénéfices de la diversification dépendent de l’indice et du vin. Par exemple, les corrélations entre les vins australiens, français, italiens et portugais sont suffisamment faibles pour offrir aux investisseurs un potentiel de diversification important (Kourtis et al., 2012). La sélectivité, les méthodes de valorisation et la capacité à anticiper la volatilité des marchés soulèvent des questions sur la pertinence de tels rendements. Finalement, les investisseurs doivent rester prudents quant aux avantages réels de la diversification de portefeuille en raison de la construction de l’indice, de la méthode et de la prise en compte des coûts.
Qualité et à la réputation des marques des vins de Bordeaux
La mondialisation a créé un marché international du vin et des marques mondiales. Cependant, les consommateurs considèrent l’origine régionale comme un critère dominant dans leurs décisions d’achat de vin. Bien que de nombreuses régions viticoles soient étudiées, Bordeaux reste celle qui fait l’objet du plus grand nombre de publications, basées principalement sur la méthode hédonique. En effet, les vins de Bordeaux sont élaborés à peu près de la même manière depuis des siècles, et les conditions climatiques qui ont créé les raisins prédisent la variabilité de la qualité des millésimes bordelais (Le Fur et Outreville, 2022).
En règle générale, les entreprises utilisent des noms de marque pour commercialiser leurs produits auprès des consommateurs, et ces derniers s’appuient sur ces mêmes noms de marque pour localiser les produits qui répondent à leurs préférences. Cependant, l’importance de la marque commerciale est plus importante pour les consommateurs qui ont un schéma de marque que pour ceux qui n’en possèdent pas (Carsana et Jolibert, 2017). En outre, lorsque de nombreuses entreprises utilisent des noms identiques ou similaires ou se regroupent autour d’un trop faible nombre de termes, il peut y avoir une congestion des noms de marque. C’est le cas de plus d’un quart des producteurs bordelais portant le même nom qu’au moins un autre producteur.
Finalement, ce travail de bibliométrie et de revue de littérature permet aussi de mettre en avant de futures pistes de recherches en lien, par exemple, avec l’effet du réchauffement climatique sur le prestige des régions viticoles ou avec l’avenir des vins présentant de faibles notations en matière de santé. Mais aussi de se projeter au-delà des thèmes déjà étudiés dans une perspective prospective et d’aborder par exemple la place grandissante des marchés émergents ou la mise en place de nouveaux modèles d’anticipation des prix adaptés aux crises actuelles et à venir.
Anne-Sophie Thelisson, Eric Le Fur et Olivier Guyottot
Références
Ben Ameur, H., Le Fur, E., & Pillot, J. (2022). The influence of economic policy uncertainty and business cycles on fine wine prices. Computational Economics, 1-20.
Cardebat, J. M., Masset, P., & Weisskopf, J. P. (2020). COVID-19: What is next for the market for fine wines? AAWE Working Paper, 250.
Carsana, L., & Jolibert, A. (2017). The effects of expertise and brand schematicity on the perceived importance of choice criteria: A Bordeaux wine investigation. Journal of Product & Brand Management.
Kourtis, A., Markellos, R. N., & Psychoyios, D. (2012). Wine price risk management: International diversification and derivative instruments. International Review of Financial Analysis, 22, 30-37.
Lanfranchi, M., Giannetto, C., Zirilli, A., & Alibrandi, A. (2014). Analysis of the demand of wine in Sicily through ordinal logistic regression model. Calitatea, 15(139), 87.
Le Fur, E. (2021). Contagion effect between financial markets and collectibles markets: A review of empirical research. Financial and Economic Systems: Transformations and New Challenges, 135-159.
Le Fur, E., & Outreville, J. F. (2022). Do vintage scores by regions matters? The case of French wine regions. Applied Economics Letters, 29(14), 1243-1247.
Voir notre article à paraître dans le journal Strategic Change