La stratégie, c’est l’art de l’action. « Elle se structure en fonction des espaces de liberté dont dispose l’acteur-stratège pour y concevoir et conduire son action » (Desportes/2018). Plus les espaces de liberté sont ouverts, plus les potentiels deviennent importants, que ce soit dans sa définition ou sa réalisation. Sa force dépend ainsi du pouvoir détenu par l’acteur-stratège pour les ouvrir.
L’importance du pouvoir « pour »
Ce mot est banni des réseaux sociaux depuis une décennie, le considérant avant tout comme une contrainte exercée sur les salariés, associée à la vision taylorienne du travail et le command and control. On oublie ainsi qu’il est là prioritairement pour renforcer l’action. La remise en cause du pouvoir « sur » ne devrait pas oblitérer celui du pouvoir « pour ». Ceci d’autant plus que l’ouverture d’un espace de liberté ne dépend pas exclusivement du pouvoir initial détenu par l’acteur-stratège. Celui-ci peut lui être conféré via un contexte particulier tel que le chaos faisant suite à une crise.
La mise en place du travail confiné en est un cas d’école unique. Il a su notamment réduire la variable temps à un résultat proche de 0 à l’échelle des transformations de cette importance. Suivant les entreprises, la transformation s’est effectuée entre quelques heures et quelques jours là où il faut classiquement plusieurs mois. Les stratégies mises en œuvre ont vu s’ouvrir un espace de liberté exceptionnel dans l’histoire des organisations. Ceci s’est caractérisé par des déblocages de tout ordre avec 2 leviers essentiels ayant permis ce succès généralisé.
2 leviers essentiels pour réduire la variable temps
Le 1er est un classique des situations de chaos. Ce dernier offre la possibilité de faire tomber divers freins dans les transformations mises en œuvre comme les croyances et les dogmes. Dans le cadre du travail confiné, des croyances sont tombées autour des métiers dits « télétravaillable » et bien entendu la vision dogmatique d’entreprises qui refusaient par principe le télétravail. Le chaos a la particularité de « déverrouiller des portes » (débloquer des espaces de liberté) que l’acteur-stratège aura la charge d’ouvrir (Le Morlec/2022). Le fait que la stratégie place la variable temps au cœur du projet et non comme conséquence de la mise en œuvre des actions, constitue par nature un facteur de réduction significatif de celle-ci. Ce qui a permis de l’amener à ce niveau proche de 0 est le facteur complémentaire « non négociable » qui a été appliqué. Il fallait que la transformation soit quasi immédiate. Utiliser le facteur « non négociable » dans la définition d’une stratégie constitue un levier puissant pour la réussite de celui-ci avec des conséquences sur ce qui de fait devient alors accessoire. Le « non négociable » ne s’inscrit pas comme une priorité de plus parmi celles déjà en place. Ce qui fait son caractère exceptionnel, c’est que les objectifs de l’entreprise qui entreraient en conflit avec celui-ci deviennent non prioritaires. Ceci implique l’acceptation d’une perte de performance sur ces derniers jusqu’à potentiellement l’abandon de certains durant la réalisation de la stratégie.
Des effets accélérateurs
L’effet accélérateur du facteur « non négociable » réduit les potentiels effets négatifs sur les autres projets ou encore le base business. Ceci n’est pas simplement la conséquence d’une réallocation des moyens. Il a un impact direct sur l’effet silo et la coopération avec un levier mobilisateur hors normes. Il fait appel à la créativité pour trouver des solutions par nature innovantes, que ce soit dans la mise en œuvre de la stratégie ou pour réduire les effets négatifs sur le reste de l’activité. Parmi les autres freins majeurs que peut faire tomber le facteur « non négociable », on trouve les process, les règles ou normes. Nombre d’entre eux ont été mis de côté pendant la période de travail confiné. Ces 2 leviers ont la particularité d’avoir un effet immédiat sur la réalisation des actions (croyances, dogmes, abandon temporaire de règles internes) ou encore un effet accélérateur avec les moyens qu’il libère ou encore qu’il génère (coopération, mobilisation).
On a ici 2 conditions nécessaires de la réduction à 0 ou presque de la variable temps dans la mise en place du travail confiné. Parmi toutes les questions que soulève cet évènement unique dans l’histoire des organisations se pose ainsi celle de l’excès de règles et de normes. Quand elles rendent « tout » non négociable, ne font-elles pas entrer l’entreprise dans la bureaucratie et donc l’immobilisme ?
Le facteur « non négociable » est utilisé également dans le cadre de stratégies Business. Il dépend alors pleinement du pouvoir de l’acteur-stratège dans sa capacité à décider ce qu’il est prêt à perdre un temps donné pour le succès de sa stratégie.