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La gestion éthique au Japon

Lors de cette période de turbulence, caractérisée par des tribulations politiques, guerre, pénuries de carburants, de gaz et de matières énergétiques, certaines caractéristiques inhérentes à l’Empire du Soleil Levant refont surface. L’exemple du Japon met avec acuité en avant le côté avant-gardiste des japonais pour une technologie de pointe combinée à une éthique très particulière, constituant par là-même une solution plausible et pratique aux tracas quotidiens.

Un « flash-back » vers le passé nous montre que depuis une quinzaine d’années, les constructeurs japonais ont conçu les modèles des voitures hybrides et électriques qui étaient déjà, sinon en ventes, du moins en prototype. La voiture électrique était conçue pour se charger auprès de bornes présentes même devant les maisons.

La multinationale Honda avait, à l’époque, conçu « La maison du futur » qui fonctionnera grâce au système solaire qui répand l’énergie dans toutes les pièces, via les éoliennes et le système photovoltaïque, alimentant les foyers en eau chaude, chauffage, électricité etc. La cerise sur le gâteau : le robot, Asimo, qui pourra aider, dans leurs tâches quotidiennes, les personnes âgées, les handicapés, les enfants… en un mot, la famille, lorsque les actifs seront au travail.

Cette autosuffisance qui permet aux foyers de se procurer ce dont ils ont besoin, tout en respectant l’environnement et en économisant l’énergie est de nos jours très convoitée, suite aux complications de la conjoncture mondiale.

Le respect de l’environnement est une des facettes de l’éthique du peuple nippon, éthique singulière car elle est vécue d’une façon implicite, naturelle, dans la mesure où ces valeurs sont fortement incrustées dans leur culture.

Un exemple intéressant est celui de l’entreprise de jouets Tomy (première au Japon, quatrième mondialement) qui déployait ses efforts pour lutter contre le réchauffement climatique et le respect de l’environnement en appliquant les préceptes de la responsabilité sociale. Ainsi,  leurs produits phares, leurs gadgets de bureau ou « Smiley Face » s’affirment comme des produits pionniers dans le respect de l’environnement. Les matières premières utilisées pour leur fabrication sont, à long terme, bénéfiques pour l’environnement. En effet, pour produire ces gadgets fonctionnant au système solaire, Takara Tomy utilise un mélange en bioplastique provenant de plantes telles que le maïs et le sucre de canne. Cette matière remplace le plastique provenant du pétrole et permet de réduire les émissions de carbone et la consommation du pétrole.

Les exemples de ces entreprises japonaises montrent que l’éthique n’est pas théorique. Les entreprises et institutions japonaises qui appliquent concrètement l’éthique à tous les niveaux de l’organisation génèrent un impact positif sur le développement des activités, le management des équipes, la gestion de la diversité, l’innovation sociale, sociétale et technologique.

La corruption est d’ailleurs extrêmement rare au Japon qui est classé parmi les pays les plus éthiques sur l’échelle de Transparency International. Les japonais ont généralement un style de vie marqué par la déférence, les respect des autres et des considérations éthiques (humilité, abnégation, persévérance..), même si, naturellement, comme partout, des abus peuvent exister.

Ce respect de l’éthique bloque les comportements corrompus tant dans le secteur public que privé (clientélisme, népotisme, pots-de-vin, pour ne citer que quelques-uns).

Par exemple, la multinationale Panasonic est particulièrement attentive à ne recourir à aucune malversation que ce soit et à respecter l’éthique sociale régissant l’offre de bénéfices de toutes sortes (incluant cadeaux, repas et loisirs). L’entreprise refuse que ses membres reçoivent un avantage personnel de quelque partie prenante que ce soit.

Le cas du Japon montre que si les grandes entreprises japonaises ont réussi, c’est en partie, grâce à leur culture éthique. L’éthique s’avère être la clef de succès des entreprises qui se respectent et qui perdurent à long terme ; elles ont réussi à gagner des milliards de Yen de bénéfices grâce à leur culture éthique si bien qu’elles font partie des piliers de l’économie japonaise.

Depuis quelques années déjà, une attention particulière est portée à la qualité de vie des ressources humaines et beaucoup d’efforts sont déployés par l’Etat et les entreprises privées, afin que les jeunes recrues puissent concilier vie personnelle et vie professionnelle, ce qui n’était pas le cas de leurs prédécesseurs, qui s’adonnaient beaucoup plus à leur travail.

A l’instar du Japon, l’éthique devrait donc faire partie intégrante de la culture des entreprises et des institutions y compris les établissements de l’enseignement supérieur. Elle doit constituer un thème transversal dans toutes les disciplines enseignées. C’est de cette façon que les universités et notamment les Facultés de gestion pourront vraiment devenir un vecteur de changement positif et réussir à former des leaders responsables, pour contribuer à un meilleur lendemain.

Carole Douery Verne et Olivier Meier

Références

Bishop W.H., “The Role of Ethics in 21st Century Organizations”, Journal of Business Ethics, December 2013, Vol. 118, No.3, pp. 635-637.

Ciulla J.B., Ethics, the heart of leadership, Westport, CT: Greenwood Publishing, 2004.
Warren & Al., Business schools: Ethics, assurance of learning, and the future. Organization Management Journal, 5(1), 41-58.

Doueiry Verne C. & Meier O., Culture et Ethique – Regard sur le Japon et les grandes entreprises japonaises, Editions VA Press, Carnets du Business, Paris, 2018.

Doueiry Verne C. & Verne JF., “Causality Between Corruption, GDP Growth and Political Stability: A Panel Data Analysis”, The Empirical Economics Letters, Vol. 19, No.2, February 2020, pp. 127-136.

Meier O. (2022), « La culture japonaise en 9 clés de lecture », Vidéo Xerfi Canal.

Meier O. (2019), Management interculturel, 7ème éd., Dunod.