Articles

Rejoindre ou non un réseau d’alliances ? Eclairages par une étude de cas

Au cours de la vie des organisations, la question de rejoindre un réseau d’alliances peut se poser[1]. Cette étape a été nécessaire pour l’entreprise Groupe R, dont la mission est de collecter des informations dans le secteur de la grande distribution via le crowdsourcing[2].

Objectif de l’entreprise : À travers une technologie digitale, Groupe R aide des sociétés partenaires à analyser et recevoir des informations grâce aux consommateurs directement. Ils étudient leurs réseaux de vente. Cela permet de faire participer activement les consommateurs à la gestion de stocks, l’approvisionnement, l’emplacement des produits…

Synthèse de l’origine de l’alliance : deux entrepreneurs ont fondé Groupe R et n’ont pas souhaité développer une nouvelle technologie. Ils ont décidé de s’allier à un groupe international pour bénéficier d’une technologie déjà existante sur le marché. Ils se sont alliés au groupe dans le but de se développer rapidement pour faire face à la menace de nouveaux entrants sur le marché. En premier lieu, ils souhaitaient une expansion forte et rapide en France.

Le groupe international s’allie généralement à des partenaires par des joint-ventures dans le but d’acquérir de nouveaux marchés à l’international, mais le Groupe R reste une exception française qui tend à rester dans un modèle d’alliance et non de joint-venture (JV).

Réseau d’alliances ou JV ? La différence entre une alliance et une JV réside dans le lien entre toutes les entités : le degré de dépendance entre les acteurs. Un degré élevé d’autonomie tend vers une alliance, et non vers une entreprise commune. Au départ, l’alliance asymétrique entre Groupe R et le groupe international montre que les entreprises n’ont pas des positions stratégiques similaires : cette différence est liée aux capacités financières et à la dimension commerciale. L’alliance tend à devenir au fil du temps symétrique, c’est-à-dire impliquant des entreprises aux positions stratégiques interchangeables, car les entreprises ont plus ou moins les mêmes niveaux de ressources et de compétences.[3]

Notre cas[4] met également en évidence les avantages possibles d’un réseau d’alliances intégré où l’information circule librement entre les partenaires interconnectés et partage une base de connaissances commune (voir pour une revue sur la gestion des alliances Duysters et al (2004) et sur le point spécifique du réseau d’alliances, se référer au travail de Aggarwal (2020). Toutefois, la question de la fin d’une alliance se pose. Alors qu’ils ont échangé des données sensibles et sont de plus en plus dépendants, le Groupe R a la possibilité de sortir de l’alliance par un éventuel rachat de ses parts, ou de se concentrer sur son pôle innovation s’il veut garder un avantage stratégique dans l’alliance, sous peine de devenir comme les autres branches du groupe international. La fin d’une alliance peut aussi signifier que le projet pour lequel elle a été créée est un succès. L’alliance est alors rompue car le projet est achevé. Par conséquent, la fin d’une alliance stratégique n’est pas nécessairement synonyme d’échec[5]. Cependant, l’alliance génère des tensions coexistentielles impliquant une concurrence et une coopération simultanées qui peuvent être créatrices de valeur (générer de l’innovation) et avoir des résultats négatifs (liés à la confrontation) (voir Gernsheimer, Kanbach et Gast (2021)). Il peut donc être nécessaire de faire appel à des boundary spanners (managers des frontières inter organisationnelles), des personnes placées en dehors de l’alliance, aux frontières de l’alliance, qui peuvent réguler ces tensions dans le temps.

Anne-Sophie Thelisson

Lectures complémentaires :

Aggarwal, V. A. (2020). Resource congestion in alliance networks: How a firm’s partners’ partners influence the benefits of collaboration. Strategic Management Journal41(4), 627-655.

Duysters, G., Heimeriks, K., & Jurriëns, J. (2004). An integrated perspective on alliance management. Journal on Chain and Network science4(2), 83-94.

Gernsheimer, O., Kanbach, D. K., & Gast, J. (2021). Coopetition research-A systematic literature review on recent accomplishments and trajectories. Industrial Marketing Management96, 113-134.

Notes

  • Voir notre cas à paraître dans la centrale de cas CCMP co-écrit avec Aurélien Eminet (UCLY) et Claudine Gay (Université Lyon 2), cas « Groupe R : entreprendre en alliance » référence G2115.
  • Bibliographie de Anne-Sophie Thelisson[6], Enseignante-chercheuse, ESDES-UCLy

[1] Le réseau d’alliances, un enjeu de vie ou de mort pour votre projet – Harvard Business Review France (hbrfrance.fr)

[2] Le crowdsourcing est une pratique faisant appel au grand public ou aux consommateurs pour proposer et créer des éléments de la politique marketing. Cette pratique peut être récompensée, rémunérée ou parfois uniquement valorisée.

[3] Alliances stratégiques: la collaboration pour accélérer votre croissance | Revue Gestion | Revue Gestion HEC Montréal

[4] Voir notre cas à paraître dans la centrale de cas CCMP co-écrit avec Aurélien Eminet (UCLY) et Claudine Gay (Université Lyon 2), cas « Groupe R : entreprendre en alliance » ref G2115.

[5] La rupture des alliances stratégiques : une grill… – Management international / International Management / Gestiòn Internacional – Érudit (erudit.org)

[6] Anne-Sophie Thelisson – UCLy