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Quel avenir pour les classes préparatoires aux Grandes Ecoles de Management ?

Pendant longtemps, les classes préparatoires aux Grandes Ecoles de Management ont représenté un symbole de méritocratie républicaine attractif et plébiscité par beaucoup d’élèves et de familles.

Elles traversent aujourd’hui une crise en matière de recrutement étudiant, accentuée par la réforme du baccalauréat et des filières de 2021 et par le choix initial de sortir les mathématiques des disciplines obligatoires à partir de la classe de première. La levée de boucliers de ses professeurs et de ses responsables en réponse à un projet visant à répondre à cette problématique d’attractivité illustre bien la situation compliquée dans laquelle se trouve aujourd’hui cette filière.

Plus largement, elle interroge sur la place des classes préparatoires au sein du système éducatif et de l’enseignement supérieur français et sur leur mission académique et sociale.

Un modèle spécifique

Au regard des standards internationaux et des systèmes éducatifs dominants dans le monde, les classes préparatoires et les grandes écoles françaises sont un dispositif à part. L’enseignement supérieur mondial s’est aujourd’hui largement structuré en prenant modèle sur le système anglo-saxon dans lequel universités, publiques ou privées, représentent l’excellence académique. Pour faire simple, leur accès se base sur l’étude d’un dossier et/ou des notes obtenues dans le cadre de l’équivalent du baccalauréat.

Dans cette perspective, l’idée d’un concours d’entrée comme processus d’admission peut paraitre étonnant. Ce qui n’est pas le cas en France où les concours sont une tradition et constituent les voies d’accès de certains corps de métiers, en particulier dans la fonction publique. Ils sont souvent présentés comme un moyen d’éviter les passe-droits et le clientélisme et d’assurer une meilleure ouverture sociale.

Deux grandes catégories de classes préparatoires « historiques »

A l’instar des grandes écoles et des universités, les classes préparatoires sont généralement perçues et présentées comme un ensemble homogène. Mais la réalité est plus complexe et il existe schématiquement deux principales catégories d’établissements.

D’un côté, les classes préparatoires aux Grandes Ecoles de Management des principaux lycées des grosses métropoles françaises, et en premier lieu Paris, recrutent en majorité des élèves issus de familles généralement socialement aisées dont les membres sont eux aussi souvent passés par cette filière. Des familles qui se distinguent par un haut niveau d’éducation et par une connaissance fine du système éducatif et de ses méandres et dont les enfants constituent la majorité des étudiants recrutés par les meilleures écoles françaises. Ces classes préparatoires se caractérisent par un niveau de compétition assumé entre des élèves qui maitrisent les codes et les caractéristiques de l’environnement des concours. En 2022, parmi les 28 prépas ECG (nées du regroupement des ECS et des ECE suite à la réforme) qui avaient un taux de réussite intégrés/candidats supérieur à la moyenne nationale de 15,1% pour l’intégration dans le top 3 (HEC, ESSEC ou ESCP), 12 étaient situées à Paris (42,9%) et 7 étaient situées en banlieue de l’ouest parisien (4 dans les Hauts de Seine et 3 dans les Yvelines; 67,9% en tout pour les 3 catégories). Ces 28 classes préparatoires représentaient 85,4% du total des intégrés répertoriés hors candidats libres.

Classes préparatoires ECG au-dessus de la moyenne nationale intégration top 3

Nombre classes
prépas
Nombre
intégrés
Total
intégrés
% Composition
Département Nombre % / aux 28
meilleures
28 957 1121 85,4% 75 12 42,9%
92 4 14,3%
69 4 14,3%
78 3 10,7%
6 1 3,6%
31 1 3,6%
34 1 3,6%
35 1 3,6%
59 1 3,6%

Source : L’Etudiant https://www.letudiant.fr/palmares/classement-prepa/prepas-commerciales-option-generale.html

Si on considère les prépas qui étaient parvenues à intégrer 15 ou plus de leurs élèves, on retrouve 13 situées à Paris, 3 dans les Yvelines et 2 dans les Hauts de Seine (75% des 24). Ces 24 classes préparatoires représentaient 81,8% du total des intégrés répertoriés hors candidats libres.

Classes préparatoires ECG avec au moins 15 intégrés dans le top 3

Nombre classes
prépas
Nombre
intégrés
Total
intégrés
% Composition
Département Nombre % / aux 24
meilleures
24 917 1121 81,8% 75 13 54,2%
78 3 12,5%
69 3 12,5%
92 2 8,3%
33 1 4,2%
35 1 4,2%
59 1 4,2%

Source : L’Etudiant https://www.letudiant.fr/palmares/classement-prepa/prepas-commerciales-option-generale.html

Les autres classes préparatoires de ces deux listes étaient notamment situées dans les villes de Lyon, Rennes, Bordeaux, Toulouse ou encore Montpellier.

De l’autre, on trouve les classes préparatoires souvent qualifiées « de proximité ». Plus souvent provinciales que la première catégorie, elles attirent des élèves venus de familles moins aguerries aux subtilités du système éducatif et se caractérisent par leur diversité et leur ouverture sociales (comme dans le cas des classes préparatoires de la voie technologique ouverte aux bacheliers STMG, les prépas ECT qui représentent 3% -35 élèves- des intégrés du top 3).

Répartition intégrés top 3 selon voies

ECG 1121 97,0%
ECT 35 3,0%
TOTAL 1156

Source : https://www.letudiant.fr/etudes/classes-prepa/classement-le-palmares-des-prepas-de-l-etudiant-11637.html

L’esprit d’entraide et de solidarité y est souvent plus prononcé que l’esprit de compétition et il y règne généralement une ambiance « familiale ». Elles fournissent le gros des cohortes des écoles de milieu et de fin de tableau. Pour le moment, les problématiques de recrutement et la crise d’attractivité des classes préparatoires concernent plutôt cette seconde catégorie de prépas.

D’autres formes de classes préparatoires pour complémenter un modèle en difficulté ?

Mais alors que le modèle « historique » des classes préparatoires aux Grandes Ecoles de Management semble s’essouffler et peine à convaincre autant de nouveaux bacheliers qu’auparavant, d’autres formes de classes préparatoires semblent portant séduire de nouveaux publics comme les prépas Adaptation Technicien Supérieur (ATS) ou les Cycles Pluridisciplinaires d’Etudes Supérieures (CPES).

Leur modèle est intéressant à plusieurs titres. D’abord parce que ces classes préparatoires s’inscrivent de manière claire et officielle dans le cadre du schéma européen des études et permettent de valider des crédits ECTS. Elles marquent aussi un rapprochement avec l’université dans la mesure où les cours mélangent enseignements en lycée et en université. Ensuite parce qu’elles ne sont pas uniquement conçues comme des sas de préparation aux concours des grandes écoles mais orientent aussi les étudiants vers des formations universitaires. Enfin parce qu’elles visent généralement à encourager des élèves défavorisés à s’orienter vers des filières d’excellence et à dépasser l’auto-censure.

Alors que le rôle d’ascenseur social des classes préparatoires aux Grandes Ecoles De Management « historiques » est aujourd’hui à interroger car leur crise touche principalement les établissements dits de proximité, il est donc légitime de se demander si ces formes alternatives peuvent à terme prendre le relai en matière d’ouverture sociale ? Les objectifs affichés de ces formations sont cohérents et semblent prendre en compte cette dimension. Mais pour constituer un complément, voire une alternative crédible, ces formations, qui sont plus portées à l’instar des CPGE « historiques » sur une logique d’apprentissage par les connaissances, devront encore augmenter leur nombre et leur attractivité pour disposer d’effectifs plus conséquents. A un moment où la logique d’apprentissage par les compétences est en pleine expansion comme en témoigne le succès de l’apprentissage, cette question est un élément clef et stratégique pour pérenniser l’avenir de cette filière de formation.

Olivier Guyottot

Références

Mulder, M., Gulikers, J., Biemans, H., & Wesselink, R. (2009). The new competence concept in higher education: error or enrichment?. Journal of European industrial training33(8/9), 755-770.

Scallon, G. (2004). L’évaluation des apprentissages dans une approche par compétences. Brussels: De Boeck Université.

Darmon, M. (2012). Sélectionner, élire, prédire: le recrutement des classes préparatoires. Sociétés contemporaines86(02), 5-29.

Daverne, C., & Masy, J. (2012). Les classes préparatoires aux grandes écoles: entre proximité et prestige. L’orientation scolaire et professionnelle, (41/4).