L’actualité ne manque pas de sujets sur les tensions géopolitiques, mais il est bon de rappeler également que nombre de défis économiques et sociétaux à l’échelle de la planète peuvent nous rassembler plus que nous diviser. Ainsi, des entreprises occidentales et des entreprises asiatiques peuvent se retrouver pour travailler sur des projets qui ont du sens. Le pragmatisme du philosophe Français Montesquieu n’est-il pas là pour nous rappeler dans son traité de théorie politique De l’esprit des lois que l’union des nations est fondée sur leurs nécessités mutuelles et surtout que la paix est l’effet naturel du commerce ?
Dans cette perspective, des collaborations interculturelles, parfaitement préparées et coordonnées, deviennent la colonne vertébrale d’échanges économiques durables – S’internationaliser, remporter de nouveaux marchés, sécuriser ses approvisionnements, trouver de nouveaux débouchés pour ses produits et services … constituent des défis majeurs pour une entreprise. Mais de telles ambitions requièrent une sensibilisation et un accompagnement à la question interculturelle.
Appréhender la problématique interculturelle, c’est dans un premier temps travailler la formation des hommes et des femmes qui seront demain les ambassadeurs de nos produits et services à l’étranger dans le secteur public ou privé – Il s’agit ensuite d’accompagner ces « global managers » dans leur apprentissage permanent car le monde VUCA – Volatile (accélération et amplification des changements), Incertain (absence de repères), Complexe (densification et interdépendance des flux d’informations), Ambigu (paradoxes et contradictions) ne laisse guère de place à la passivité et à la résignation.
La formation en management interculturel
Que peut apporter alors une formation en management interculturel ? Elle aide à tout d’abord à se poser les bonnes questions et à en tenir compte dans ses démarches et projets, quelle que soit la situation (relation à l’autre, animation d’équipe, gestion d’un conflit…) En effet, tout manager international doit savoir faire ressortir à la fois les similitudes et les potentielles différences entre les membres d’une équipe multiculturelle, rechercher ce qui rapproche et permet d’édifier des passerelles pour communiquer et coopérer avec l’autre. Il s’agit ici de faire émerger une conscience de groupe, de développer des valeurs communes pour établir une coopération efficace. De ces valeurs découlent des techniques et des méthodes de travail qui ne peuvent être laissées au hasard. Quels processus de décision ou de négociation adopter lorsqu’on coopère avec des collaborateurs indiens ou brésiliens ? Comment se synchroniser avec un auditoire international ? Quelles sont les compétences requises pour un manager lorsqu’il doit travailler à distance au sein d’une équipe franco-chinoise ?
Afin d’aider les entreprises exportatrices et leurs équipes, des programmes EMBA proposent de plus en plus de cours de Management Interculturel, pour parfaire leurs connaissances et aptitudes à mieux travailler avec leurs homologues étrangers (dimensions interculturelles, systèmes de valeurs, rapports au temps et à l’espace, identités au travail, modes de communication…) – Dans ce cadre, on ne peut que saluer l’initiative de l’UPEC (Université Paris-Est), en partenariat avec l’École MBS (Medicis Business School) (1) d’avoir lancé un Diplôme universitaire EMBA destiné à des managers chinois. Les enseignements menés dans le domaine du Management Interculturel sont l’occasion de mieux comprendre les problématiques liées au développement international des firmes (risques économiques et financiers, coûts de transaction, distance culturelle) et de proposer des pistes de réflexion pour travailler sur un projet multiculturel (codes, règles du jeu, profils attendus, stratégies d’ajustement), que cela soit dans le cadre d’échanges commerciaux (exportation, accord commercial, franchise, joint-venture) ou en situation de management d’équipes à l’international.
Outre le fait que cette formation témoigne de la capacité de l’université française à se positionner sur le marché de la formation internationale, elle démontre surtout une prise de conscience de l’ouverture nécessaire, pour construire des ponts durables entre les cultures et faciliter ainsi les échanges économiques. La globalisation est loin d’être terminée, et les interdépendances globales auront besoin de managers formés à l’interculturalité : respect réciproque, préservation des identités culturelles impliquées, interactions fertiles… Sur des questions aussi sensibles que la transition énergétique, des équipes mixtes, franco-chinoises, formées à l’interculturel (contrôle de l’incertitude, rapport à la nature, relation au temps, tolérance aux risques…) seront mieux à même d’appréhender leurs différences et de converger vers des solutions acceptables en matière de protection de l’environnement (projets d’énergie alternatifs).
Qu’il s’agisse de PME, d’ETI ou de grandes entreprises, la demande en formation interculturelle est forte en Chine pour de tels programmes avec des universités étrangères. Mais l’Europe et surtout la France peuvent en faire autant, pour aider les entreprises françaises à renforcer leurs compétences internationales et interculturelles. A ce titre, il conviendra de montrer les bénéfices à reconsidérer la formation et les process de travail collaboratif pour coopérer avec des partenaires aussi différents que des Chinois, Japonais, Coréens ou Indonésiens… Pour rappel, de nombreuses études (Moniteur du Commerce International) ont montré au cours de la décennie précédente la relation entre le niveau des compétences internationales de l’entreprise et son succès sur les marchés mondiaux. L’image de marque d’une entreprise à l’international s’impose autant par ses compétences interculturelles que par la qualité des produits et services proposés.
La constance du développement international
En conclusion, on peut dire que le développement international n’a pas changé dans ses finalités, malgré les tensions et crises à répétition. Il s’agit toujours d’une aventure humaine faite de rencontres, d’échanges et de réciprocité. Mais cette internationalisation des activités demande de nouvelles compétences en termes de logique, de traitement des données et de résolution des problèmes. Elle requiert aujourd’hui des managers/leaders « augmentés », mieux préparés, capables de penser et d’agir aussi bien en distanciel qu’en présentiel et surtout dotés de compétences nouvelles (agiles, créatives, digitales, collaboratives, artificielles) réalisées dans des contextes culturels, linguistiques et religieux différents.
Olivier Meier et Eric le Tallec
(1) Nos remerciements à Jérôme Lacoeuilhe, directeur de composante UPEC, d’avoir initié et porté ce partenariat au sein de l’Université Paris Est et permis de proposer des enseignements dédiés aux questions interculturelles et internationales.
Références
Meier O. (2019), Management interculturel, 7ème édition, Dunod.
Meier O., Verne C. (2017), Culture et éthique au Japon, 2ème édition, VA Editions.
Barabel M., Meier O. (2020), Le grand livre de la Formation, 3ème édition, Dunod.
Le Tallec E. (2020), gestion de projet dans un cadre interculturel (France, Japon, Allemagne), séminaire Observatoire ASAP.
Le Tallec E. (2021), la filière Hydrogène, une filière d’avenir, terrain de collaborations interculturelles –, Rubrique Economie, Observatoire ASAP.
Barmeyer C. et Franklin P. (2016), Intercultural management: a case-based approach to achieving complementary and synergy, Palgrave Macmillan.