Interview

Entretien auprès d’Émilie Frenkiel, à propos de la Convention Citoyenne Étudiante de l’UPEC

Entretien mené par Lolita Rubens

Émilie Frenkiel est maîtresse de conférences en science politique, directrice adjointe de l’EEP, directrice adjointe du LIPHA, co-responsable d’Algopo Living Lab

Quels étaient les objectifs de cette convention citoyenne étudiante ?

La convention citoyenne étudiante (CCE) de l’UPEC a deux objectifs principaux : lancer une réflexion collective à l’échelle de l’université sur son empreinte carbone, et engager les 38 000 étudiant.e.s de l’UPEC dans ce débat pour agir urgemment. Dans cette première édition de la CCE, en accord avec le groupe de travail sur le développement durable, le thème de l’alimentation a été choisi car l’évolution de nos pratiques alimentaires pourraient jouer un rôle central dans la transition écologique, mais aussi parce qu’il converge également avec des préoccupations sanitaires et sociales cruciales à l’université, comme le premier confinement et le recours en grand nombre de nos étudiant.e.s au don alimentaire l’ont révélé. Une autre ambition de la convention citoyenne étudiante est de resserrer les liens entre l’université et les territoires environnants ses campus : les collectivités territoriales, les associations, les entreprises etc. qui l’entourent autour de grandes questions de société, car l’UPEC est une véritable « université engagée ».

Pouvez-vous nous expliquer le principe de la convention citoyenne étudiante ? Comme cela se déroule concrètement ?

Une convention citoyenne est un dispositif participatif qui consiste à inclure des citoyen.ne.s ordinaires dans le processus de décision politique. Les phases de formation intense aux questions complexes discutées alternent avec des délibérations en groupe et des restitutions en séances plénières. Dans la convention citoyenne pour le climat, ou les conventions citoyennes organisées sur des questions constitutionnelles, les participant.e.s sont des citoyen.nes sont tiré.e.s au sort. Dans notre cas, ce sont des étudiant.e.s de master de l’Ecole internationale d’études politiques et des étudiant.e.s en deuxième année à l’IUT de Sénart Fontainebleau qui ont participé au lancement de la convention.

La première CCE de l’UPEC veut contribuer à réduire les émissions de gaz à effet de serre issues de l’alimentation et d’agir sur l’ensemble de la chaîne de production alimentaire par des propositions décidées de manière démocratique et horizontale à travers quatre thématiques :

  • Production ;
  • Approvisionnement ;
  • Consommation ;
  • Traitement des déchets.

Tout au long du processus délibératif, les participants, qui sont issus d’horizons divers (étudiants, élus et agents territoriaux, professionnels, membres d’association, chercheurs, etc.) échangent et délibèrent en groupe. Le dispositif de la CCE distingue trois types de groupes de travail : l’assemblée de citoyens, les quatre groupes thématiques et les douze sous-groupes.

On distingue quatre étapes : la conception collaborative du dispositif, ses trois journées de lancement (23-25 septembre à Fontainebleau), l’ouverture de la délibération à toute la communauté UPEC sur la plateforme du Living lab https://algopo.osp.cat et deux journées de clôture à Créteil les 19 et 20 novembre.

Concrètement, à l’issue des trois journées de lancement de la convention, pendant lesquelles plus de 200 personnes ont travaillé, 33 propositions ont émergé et ont été ouvertes au débat en ligne. Ces propositions sont actuellement retravaillées et de nouvelles sont formulées. Fin novembre, ces propositions seront soumises à la présidence de l’UPEC, au CROUS, au groupe de travail sur le développement durable, aux collectivités territoriales, à des associations, scientifiques et aux tirés au sort de la convention citoyenne pour le climat qui parrainent notre démarche, pour un dernier travail collectif de formulation de propositions concrètes et immédiatement applicables.

Quel a été l’investissement des partenaires, étudiant.e.s et intervenant.e.s ?

La particularité de notre dispositif est qu’il s’agit d’une convention citoyenne étudiante. Il a été conçu non seulement pour que des étudiant.e.s y participent, mais qu’il.elle.s ont participé à son élaboration avec les étudiant.e.s, qu’il.elle.s ont constitué la majorité du comité d’organisation de la CCE, et ont été en charge de la modération des discussions, leur facilitation et leur restitution. Les étudiants en M2 de science politique parcours Etude socio-politique de la globalisation ont non seulement co-construit le dispositif à l’automne 2020 mais ont aussi suivi une formation avant l’ouverture de la convention citoyenne étudiante.

Pour former et accompagner ces étudiant.e.s, le groupe de travail sur le développement durable, la présidence de l’université et son pôle santé, la MGEN, le CROUS, une équipe de scientifiques spécialistes d’agronomie, d’études environnementales, de science politique etc., ainsi que des élu.e.s, agent.e.s territoriaux, agriculteur.rice.s, restaurateur.rice.s, militant.e.s associatif.ve.s, une entreprise de la civic tech Open Source Politics, entre autres, se sont mobilisé.e.s.

Ce dispositif innovant est assez nouveau dans le paysage de l’université, quels en sont les avantages selon vous ?

L’avantage de ce dispositif est de constituer un écosystème actif, de créer de nouvelles synergies entre une grande variété de parties prenantes pour agir pour de grandes causes et urgentes comme la transition environnementale. C’est non seulement un moyen de regrouper étudiant.e.s de différentes formations, différents âges et campus avec des scientifiques de toutes disciplines, les personnels et la direction de l’université, mais aussi avec la société et les territoires environnants, mais encore de faire converger des actions en termes pédagogiques, scientifiques (la convention citoyenne étudiante est par ailleurs également un dispositif de recherche), politiques et civiques.

Quelles sont vos attentes pour la fin de la convention citoyenne étudiante ?

Mon espoir, et mes efforts, portent principalement sur une participation aussi large que possible de l’ensemble de l’UPEC aux débats en ligne (https://algopo.osp.cat, l’inscription prend 15 secondes) pour que des propositions concrètes et percutantes soient formulées, votées puis écoutées et appliquées par l’Université, le CROUS et les collectivités qui entourent nos campus. Enfin, j’espère que notre CCE essaimera et que de nombreuses universités françaises et étrangères s’en inspireront pour réduire tout de suite, et de manière démocratique, sur notre empreinte carbone.