Le changement climatique : un défi mondial sans précédent
La planète est confrontée à une crise climatique majeure. Entre la hausse des températures, la multiplication des catastrophes naturelles et la dégradation accélérée des écosystèmes, le changement climatique s’impose comme l’un des plus grands enjeux de notre siècle. Principalement provoqué par les émissions de gaz à effet de serre, notamment le dioxyde de carbone (CO₂). Ce phénomène transforme déjà profondément notre environnement.
Malgré des efforts croissants pour réduire les émissions, l’année 2023 a vu un nouveau record mondial d’émissions de CO₂, soulignant l’urgence d’un changement profond dans nos modes de production et de consommation d’énergie.
Des signes positifs existent néanmoins. Les énergies renouvelables – solaire, éolien, mobilité électrique – se développent rapidement. Les investissements dans les technologies propres augmentent, portés par l’innovation et les politiques publiques. Ces progrès ont permis d’atténuer la hausse des émissions, mais la transition reste inégale selon les régions. Des actions coordonnées sont plus que jamais nécessaires, notamment dans les pays émergents et en développement.
Qu’est-ce qui alimente les émissions de CO₂ dans le monde ?
Pour agir efficacement, il faut d’abord comprendre les causes. La croissance économique joue un rôle majeur : plus d’industries, plus de transports, plus d’énergie consommée… tout cela entraîne généralement une augmentation des émissions. Mais cette relation varie d’un pays à l’autre selon son niveau de revenu, la qualité de ses institutions et son accès aux technologies vertes.
L’énergie reste la première source directe d’émissions de CO₂. Les pays qui dépendent du charbon ou du pétrole émettent davantage que ceux qui misent sur l’hydroélectricité, le solaire ou l’éolien. L’urbanisation rapide et le développement des infrastructures contribuent aussi à faire grimper la demande énergétique, en particulier dans les grandes métropoles en expansion.
D’autres facteurs sociaux et institutionnels comptent également. L’éducation, les libertés publiques, la participation citoyenne et la qualité des lois environnementales influencent la capacité d’un pays à adopter des politiques climatiques ambitieuses. L’ouverture commerciale et la mondialisation ont des effets contrastés : elles peuvent accélérer la diffusion de technologies propres, mais aussi intensifier la production industrielle et les émissions.
Un regard global : comment le niveau de revenu façonne les émissions
Notre récente étude (Pakrooh et al., 2025) menée dans 53 pays à faible, moyen et haut revenu montre que le revenu national influence fortement les émissions de CO₂. Tout commence par le mix énergétique (Lau et al.,2023) – c’est-à-dire la combinaison des sources d’énergie qu’un pays utilise : charbon, pétrole, gaz, solaire, éolien, hydroélectricité… Plus ce mix est propre, plus les émissions sont faibles.
Dans les pays à revenu faible et intermédiaire, améliorer ce mix peut considérablement réduire les émissions. La Chine ou le Brésil, par exemple, ont investi massivement dans les énergies renouvelables, ce qui a permis de freiner l’augmentation de leurs émissions. Mais dans ces pays, la croissance économique s’accompagne encore souvent d’une hausse des rejets de CO₂. On observe qu’une hausse de 1 % du PIB peut entraîner jusqu’à 0,72 % d’émissions supplémentaires.
Dans les pays riches, les bénéfices d’un mix plus vert sont encore plus marqués. Des nations comme la Suède, l’Allemagne ou les États-Unis ont mis en place des politiques de transition énergétique ambitieuses : tarification du carbone, subventions vertes, normes environnementales strictes. Résultat : une amélioration de 1 % du mix peut y réduire les émissions jusqu’à 1,93 %.
Le commerce international joue également un rôle différencié. Dans les pays à faible revenu, il permet d’importer des technologies plus propres. Dans les pays développés, en revanche, il peut temporairement augmenter les émissions, en raison d’une production et d’une consommation plus élevées.
La consommation d’énergie reste un facteur clé, tous niveaux de revenu confondus. Plus la demande est élevée – surtout si elle repose sur les énergies fossiles – plus les émissions augmentent. Les pays développés parviennent mieux à limiter cet impact grâce à l’efficacité énergétique et aux innovations technologiques.
La qualité de la gouvernance est un autre levier important. Dans les pays riches, la stabilité institutionnelle, la démocratie et l’état de droit contribuent à faire baisser les émissions. Tout d’abord, la stabilité institutionnelle permet de mettre en œuvre des politiques environnementales cohérentes sur le long terme, indépendamment des alternances politiques. Par exemple, les pays nordiques comme la Suède ou la Norvège bénéficient de cadres institutionnels solides qui facilitent la planification et le suivi rigoureux de leurs engagements climatiques.
Ensuite, dans les démocraties, la transparence, la liberté de la presse et la participation citoyenne favorisent une pression sociale en faveur de la durabilité. Par ailleurs, l’État de droit garantit que les réglementations environnementales sont effectivement appliquées et respectées. Dans des contextes où la loi est prévisible et les institutions judiciaires indépendantes, les entreprises sont incitées à adopter des comportements conformes aux normes écologiques, sous peine de sanctions effectives. À l’inverse, dans des contextes marqués par la corruption ou l’instabilité, les réglementations environnementales peuvent être contournées, affaiblissant ainsi les efforts de réduction des émissions. Dans les pays à revenu plus faible, ces effets sont moindres, mais des progrès dans ce domaine peuvent aussi générer des bénéfices environnementaux.
Enfin, l’urbanisation et l’éducation ont des effets contrastés. Dans les pays à haut revenu, les villes sont souvent mieux planifiées, avec des transports durables et des infrastructures efficaces. L’éducation, quant à elle, favorise une plus grande sensibilité écologique, une meilleure compréhension des enjeux climatiques, et donc des comportements plus responsables. Toutefois, dans les pays en développement, une urbanisation rapide et peu encadrée peut aggraver la pollution et accroître les émissions.
S’agissant de l’éducation, son impact peut sembler ambivalent à court terme. Un niveau d’instruction plus élevé est souvent corrélé à une amélioration du niveau de vie et à une augmentation de la consommation d’énergie, en lien avec l’accès à de nouveaux biens et services. Cependant, cette dynamique peut évoluer positivement : des individus mieux éduqués sont en général plus conscients des effets de leurs choix sur l’environnement, et donc davantage susceptibles d’utiliser leur pouvoir d’achat pour privilégier des pratiques de consommation durables. L’éducation agit ainsi comme un levier crucial pour orienter la transition écologique, à condition qu’elle s’accompagne de politiques publiques et d’incitations appropriées.
Conclusion : une réponse globale, mais adaptée à chaque pays
Nous avons mis en lumière une réalité essentielle : il n’existe pas de solution unique pour réduire les émissions de CO₂. Chaque pays doit répondre à ses propres défis, en fonction de ses moyens, de son niveau de développement, et de ses priorités.
Les pays riches disposent des outils pour montrer l’exemple, mais les pays à revenu faible ou intermédiaire ont besoin de soutien pour financer des infrastructures vertes et renforcer leurs capacités institutionnelles. La coopération internationale, les transferts de technologies et des politiques adaptées à chaque contexte sont indispensables pour bâtir une transition énergétique juste, efficace et inclusive.
Sami Ben Jabeur et Hela Nammouri
Références
Lau, C.K., Gozgor, G., Mahalik, M.K., Patel, G., Li, J., 2023. Introducing a new measure of energy transition: Green quality of energy mix and its impact on CO2 emissions. Energy Economics 122, 106702.
Pakrooh, P., Nammouri, H., & Jabeur, S. B. 2025. Energy Transition and CO₂ Emissions: Fresh Insight from Low, Middle and High-Income Countries. Research in International Business and Finance, 102880.
Zambrano-Monserrate, Manuel A, 2024. Clean energy production index and CO2 emissions in OECD countries. Science of The Total Environment 907, 167852.